Home Non classé Pourquoi l’actuelle compétition Sino-Américaine n’est-elle pas une guerre froide ?( Tribune de Georges Lohalo)

Pourquoi l’actuelle compétition Sino-Américaine n’est-elle pas une guerre froide ?( Tribune de Georges Lohalo)

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Georges Lohalo a un diplôme de Maitrise en Relations Internationales de l’Université des Affaires Etrangères de Chine (外交学院) et Doctorant en Relations Internationales à l’Université Normale du Centre de la Chine (华中师范大学). Il étudie le système international post-guerre froide, les relations sino-américaines et la coopération Chine-Afrique. Il est auteur de plusieurs œuvres d’esprit.

Dans son discours d’ouverture de la 56eme conférence de Munich sur la sécurité vendredi 14 février 2020, le Président Allemand Frank-Walter Steinmeier a alerté non sans pertinence, qu’il observe une dynamique bien destructrice dans la politique internationale. Selon lui, l’idée de compétition des grandes puissances est loin d’être une spéculation mais bien une nouvelle réalité à travers le monde.
Le Secretaire américain à la défense a, dans la même conférence, décrit le temps actuel comme une ère d’une grande compétition en identifiant la Chine comme le numéro 1 de l’inquiétude du Pentagon. A l’instar de ces personnalités, nombres de chercheurs et étudiants en Relations Internationales cogitent sur la nature du système international actuel et ceux qui s’intéressent à la relation China-Etats Unis y voit déjà les germes de la guerre froide. Pour saisir cette nouvelle dynamique, il s’avère important de rappeler l’histoire récente.

Depuis la fin de la guerre froide, les Etats-Unis d’Amérique sont restés l’unique pays capable de projeter, avec l’aide de ces alliés, la puissance partout dans le monde. On l’a vu depuis lors presque dans tous les fronts pour non seulement défendre ses intérêts mais surtout exporter ses valeurs devenues universelles. Ce moment de gloire semble, à mon avis, dépassé car d’autres pays ou groupe de pays puissants sont arrivés au sommet de la géopolitique mondiale en tête duquel se trouve la Chine. Cela inquiète les USA et pose le problème du Piège de Thycidude.

Si la tendance Coopération-compétition entre les deux pays était introduite sous l’ancien Président américain Barack Obama lors de la signature de l’accord de défense avec l’Australie, il faut dire que l’actuelle stratégie Compétition-coopération a été instituée depuis le discours sur l’état de l’Union, de l’actuel président américain Donald Trump, qui a défini la Chine comme le principal rival contestant les Etats Unis d’Amérique. Cela est conforme au ton de la nouvelle stratégie de défense nationale des États-Unis, qui déclare : « La concurrence stratégique interétatique, et non le terrorisme, est maintenant la principale préoccupation de la sécurité nationale des États-Unis». A partir duquel la guerre économique sera lancée.
Avec la Russie, la Chine a été désignée comme le principal rival stratégique contestant la sécurité, la prospérité et les valeurs de l’Amérique. Cette rhétorique, étayée par une doctrine formelle, fait naturellement craindre que la concurrence sino-américaine ne conduise le monde à une nouvelle guerre froide. Il est vrai que la nouvelle politique des Etats-Unis envers la Chine aura inévitablement un fort impact sur la politique internationale, elle ne signifie pas nécessairement une guerre froide à venir. Pourquoi ?

Il y a trois différences fondamentales entre la compétition sino-américaine d’aujourd’hui et la rivalité américano-soviétique pendant la guerre froide.

1. Contrairement à la rivalité américano-soviétique pour le leadership mondial pendant la guerre froide, la Chine et les États-Unis évitent aujourd’hui d’assumer une responsabilité internationale excessive.

Les Présidents américains et Chinois. Image AFP

L’administration Trump avec sa phrase mythique « make america great again ou keep america great » considère le leadership mondial comme un fardeau plutôt que comme intérêt stratégique le plus important des États-Unis. Il cherche à décharger ce fardeau sur ses alliés militaires en leur demandant de payer plus pour leur propre défense. Pendant ce temps, le gouvernement chinois actuel craint que le coût énorme du leadership mondial ne nuise à sa croissance économique.

Au lieu de prendre le leadership mondial, le président chinois Xi Jinping a hérité et adopté le concept d’une «communauté de destin commun», inventé par l’administration de l’ancien président Hu Jintao. Comme l’indique l’expression, la Chine veut que chaque membre de la communauté internationale partage la responsabilité de la gouvernance mondiale. Pour éviter une responsabilité internationale excessive, le gouvernement chinois évite de stationner des troupes en Afghanistan, par exemple, même si l’instabilité y représente une menace directe pour la sécurité du Xinjiang voisin, une région frontalière de la Chine où le sentiment séparatiste a éclaté dans le passé.

Tant que la Chine et les États-Unis sont réticents à assumer un leadership mondial, il est peu probable qu’une guerre froide du genre global que nous avons vue entre les États-Unis et l’Union soviétique au XXe siècle se produise, même avec la possibilité que certaines puissances secondaires soient en concurrence pour le leadership régional par la confrontation militaire.

2. La Chine et les États-Unis ont jusqu’à présent délibérément empêché leur compétition de se répandre dans le domaine idéologique — exactement à l’opposé de ce que les États-Unis et les Soviétiques ont fait pendant la guerre froide.

Donald Trump n’a montré aucun intérêt dans un concours idéologique avec la Chine. Cela a été reflété dans la stratégie de défense nationale, qui contient la déclaration, « Nous ne chercherons pas à imposer notre mode de vie par la force. »

Le gouvernement chinois est également attentif au danger d’enflammer une confrontation idéologique avec l’Occident et les États-Unis en particulier. Peu après que les médias internationaux ont rapporté que le récent 19e Congrès du Parti communiste a révélé l’intention de la Chine d’exporter un modèle de gouvernance qui rivalise avec la démocratie occidentale, le gouvernement chinois a rapidement cherché à corriger cette erreur en annonçant que la Chine « ne demandera pas à d’autres pays de copier la pratique chinoise ». Tant que la Chine et les États-Unis n’accorderont pas la priorité à l’avancement de leurs idéologies à l’étranger avant tout, leur concurrence ne s’intensifiera pas au niveau de l’ancienne rivalité américano-soviétique.

3. La préférence stratégique actuelle de la Chine pour une concurrence pacifique avec les États-Unis diffère grandement de celle de l’Union soviétique ou de la Russie d’aujourd’hui.

La Chine a bien appris qu’elle est considérée comme le principal rival des États-Unis après avoir accueilli Donald Trump lors de sa visite à Pékin, elle adhère toujours au principe de la compétition pacifique plutôt qu’à la stratégie de guerre par procuration que l’Union soviétique avait adoptée pendant la guerre froide.

Jusqu’ici l’économie reste l’élément le plus puissant de la force nationale Chinoise, même si son armée et son secteur technologique se développent aussi de façon spectaculaire. Ainsi, la Chine fait de son mieux d’éviter toute forme d’affrontements militaires avec les USA. Elle insiste également qu’elle n’a aucun allié, Russie y comprise, donc le contraire de l’Union soviétique qui avait le pacte de Varsovie. Il ne faut pas passer inaperçu que les guerres au Moyen-Orient et dans les anciennes zones soviétiques n’ont pas atteint le niveau mondial, en grande partie parce que la Chine n’a pas rejoint la Russie. Le comportement de la Chine dans ces situations montre que la Chine n’a pas encore rejoint la Russie contre les États-Unis, comme cela s’était produit avec la division Est-Ouest pendant la guerre froide.

L’incertitude du leadership de Donald Trump est également un facteur mineur mais favorable dans la prévention d’une nouvelle guerre froide. L’incohérence de la politique étrangère des Etats Unis depuis son arrivée au pouvoir a rendu ses alliés, notamment européens, prudents en soutenant la confrontation ou une rivalité avec la Chine. La compétition Sino-américaine pourrait s’amplifier de façon à diviser le monde après 15 ans car probablement, l’économie Chinoise sera 3 fois supérieure à celle des Etats-Unis.

A ceci on pourrait se poser la question de savoir quelle implication pour les pays en développement comme la RDC ?

Pour l’intérêt du pays il serait judicieux, pour l’instant, de ne pas orienter notre politique étrangère avec les lunettes de la guerre froide. Comme l’analyse le montre bien, les deux pays ne sont pas encore profondément déchirés, ils coopèrent dans plusieurs domaines et l’accord sur la guerre économique peut en témoigner. Il va falloir lever des options pour coopérer avec chaque partenaire dans un domaine spécifique pour l’intérêt de la Nation.

En plus, il convient à la RDC d’installer une dynamique interne stable pouvant faciliter le pays de tirer profit quand le moment de turbulence du système international arrivera. D’ici 15 ans ce moment arrivera et il va falloir choisir de camp tenant compte de la crédibilité stratégique de chaque pays pour paraphraser le Professeur Yan Xuetong.

Georges Lohalo

georgeslohalo@gmail.com

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