
Le ministre de Pêche et Élevage, Adrien Bokele Djema attend la réponse du Premier ministre à sa lettre de demande du décaissement de 15 millions USD pour l’achat de deux chalutiers et quatre petits bateaux au profit de la Société Congolaise de Pêche (SOCOPE). Gros soucis, cette société ne s’occupe plus de la pêcherie, son objet social étant devenu la réparation des ports, depuis que le Groupe LEDYA en est devenu l’actionnaire majoritaire.
Décidément, les scandales financiers s’enchainent en République Démocratique du Congo comme des grossesses non désirées dans les quartiers périphériques de Kinshasa. Alors qu’une bonne partie de la presse congolaise a relayé de manière fracassante la correspondance du ministre de Pêche et Élevage au Premier ministre sollicitant une provision de 15 millions USD pour l’achat des bateaux de pêche, il se pourrait qu’il serait parti sur de mauvaises bases.
Pour cause, plusieurs zones d’ombres planeraient tant sur la nature de la société qui devra bénéficier de deux chalutiers et quatre petits bateaux à acheter, que sur la procédure de décaissement dudit fond.
En effet, dans sa lettre datée du 1 er décembre 2021, Adrien Bokele écrit au Premier ministre qu’ « étant donné que ce besoin est aussi exprimé dans la Loi des Finances 2022, mon ministère compte déjà engager le processus de passation des marchés, sous votre leadership, avec la Direction Générale de Contrôle des Marchés Publics (DGCM) pour obtenir l’Avis de Non Objection dans les 60 jours pour que ce marché soit engagé et payé au courant du premier trimestre de cette année 2022 ».
En clair, il exigerait un paiement en cash contrairement à la norme internationale, qui privilégie le décaissement échelonné pour des gros montants.
Ce membre du gouvernement chercherait donc à toucher sa part avant un éventuel remaniement gouvernemental.
Pour ce faire, le ministre de pêche aurait déjà planifié une procédure de gré à gré, avec notamment un fournisseur et un livreur déjà identifiés et contactés par ses services.
L’État risque de ne pas se retrouver
Un autre détail qui cloche, c’est le choix de SOCOPE comme gestionnaire des chalutiers et petits bateaux de pêche à acheter. Ici, le ministre de pêche feint d’ignorer que l’Etat congolais n’est plus qu’un actionnaire minoritaire dans cette société qui a changé son objet social de la pêcherie à la réparation des ports.
D’ailleurs, selon une source du Conseil Supérieur du Portefeuille(CSP), les dividendes attendus de cette société pour l’année 2022 seraient inférieurs à 150 000 USD.
Bien plus, le Groupe LEDYA, actionnaire majoritaire de l’ex Pêcherie Maritime Zaïroise(PEMARZA), rebaptisée PEMARCO( Pêcherie Maritime Congolaise), puis PIM(Pêcherie Industrielle de Moanda) avant de devenir SOCOPE ( Société Congolaise de Pêche) a récemment licencié une trentaine de ses agents dans l’indifférence totale de l’État.
Commentaire d’un expert du ministère du Portefeuille : « S’il est louable que le gouvernement achète des bateaux de pêche, il est autant prudent que le Premier ministre Sama Lukonde demande à son ministre de pêche des éclaircissements sur les contours de ce dossier avant d’autoriser le décaissement de 15 millions USD pour éviter un autre scandale financier ».
Un haut cadre du Secrétariat Général à la Pêche et Élevage révéle, sous couvert d’anonymat, que BOSA est actuellement la seule société congolaise, bien que détenue par des chinois, à pratiquer la pêche industrielle au large de Muanda, sur l’océan Atlantique avec des chalutiers en bois.
Ce n’est donc pas la société SOCOPE, celle-ci étant spécialisée dans la réparation des Ports, qui sera en mesure de pêcher des poissons avec les petits bateaux achetés par le gouvernement.
Jean Pérou Kabouira