Home Politique Matata Ponyo: «Pourquoi dépenser 500 millions de dollars pour un simulacre d’élections ?»

Matata Ponyo: «Pourquoi dépenser 500 millions de dollars pour un simulacre d’élections ?»

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Après la publication par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) de sa feuille de route sur l’organisation des élections générales de 2023, l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo a publié une analyse pointue sur les élections. Dans le tout dernier numéro de sa réflexion intitulée « Ce que je pense », il s’est penché sur la question de la capacité de l’Etat congolais de financer les prochaines élections.

Mettant en avant son expérience d’ancien ministre des finances, un poste qui lui a permis d’être au centre du financement des élections présidentielles et législatives de fin 2011, Matata Ponyo rappelle que « le Trésor public a déboursé près de 400 millions de dollars américains pour permettre à l’Etat congolais de réussir le premier financement des élections sur base de ressources propres après réunification du pays en 2003 ».

Il reconnaît que c’était une prouesse exceptionnelle et que même des occidentaux n’y croyaient nullement.

Il relève que grâce à la rigueur dont son gouvernement avait fait montre dans la gestion des finances publiques, le Trésor public a déboursé en 2018, près de 600 millions de dollars américains pour venir à bout de ce même type d’élections.

« On peut en déduire, fait-il remarquer, qu’en moyenne, il faut près de 500 millions de dollars américains pour sécuriser le financement du paquet des élections sur ressources propres ».

Il indique que ce coût exorbitant est lié principalement à la mauvaise gouvernance et au déficit d’infrastructures de transport et de communication dans le pays.

« Prenons l’hypothèse qu’il faut débourser un montant de 500 millions de dollars américains pour financer l’ensemble des élections qui devront se dérouler en décembre 2023. Il faudra que tous les paiements soient effectués six mois avant le jour du scrutin, soit au plus tard le 30 septembre 2023. Cela permettrait à la CENI de disposer du temps nécessaire, soit près de trois mois, pour dispatcher dans le vaste territoire congolais l’ensemble du dispositif électoral. Si le déboursement des fonds avait commencé au lendemain de dernières élections, c’est-à-dire dès janvier 2019, le déboursement mensuel aurait été uniquement de près de 10 millions de dollars américains. A ce jour, le compte dédié aux élections détiendrait un solde positif de près de 360 millions de dollars américains. Il resterait qu’un montant de 140 millions de dollars à mobiliser d’ici fin juin 2023. Ce qui serait soutenable pour le budget de l’État », affirme-t-il.

Des élections(inutilement) coûteuses

Matata Ponyo note qu’au regard du temps qui reste, soit dix-sept mois pour exécuter l’ensemble des opérations financières liées aux prochaines élections, l’État congolais est obligé de débourser mensuellement près de 30 millions de dollars américains à partir de février 2022 pour prétendre réaliser les 500 millions de dollars américains nécessaires à fin juin 2023.

Il pense que « la cherté du processus électoral en RDC nous replonge dans la problématique de l’opportunité des élections par rapport aux objectifs de développement économique dans les pays du Tiers-monde ».

Autrement dit, on retombe dans « le fameux dilemme entre la démocratie et le développement ».

A ce sujet, l’ancien Premier ministre laisse entendre que si on consacre les 500 millions de dollars américains prévus pour les élections à un seul projet, on peut bitumer 400 à 500 kilomètres de routes, financer deux parcs agro-industriels, acquérir cinq avions Airbus , acheter plus de quatre mille bus neufs de transport en commun de marque Mercedes, construire plus de quatre mille écoles primaires et secondaires, bâtir plus de 30 universités, ériger plus de 30 hôpitaux modernes, construire plus de cinq barrages hydroélectriques à dimension moyenne ou plus de 50 centrales de production d’eau potable.

« L’homme à la cravate rouge » estime qu’il ne faut jamais compter sur l’aide extérieure pour organiser les élections entre autres parce qu’elle ne viendra pas, et ensuite, parce que si elle arrive, ce ne sera que sous forme d’appui, notamment en termes d’observateurs indépendants ou d’aide de transport pour dispatcher le matériel électoral.

« Voilà pourquoi, recommande-t-il, il faut rationaliser la gestion des fonds par la CENI pour premièrement réduire l’enveloppe de financement des élections à plus ou moins 250 millions de dollars américains. Ensuite, investir dans la réhabilitation des infrastructures de transport et de communication pour réduire significativement le coût lié au déploiement des équipements et du personnel à travers le pays. Enfin, savoir stocker les équipements qui peuvent être réutilisés ».

« Mais, insiste Matata Ponyo, il faut que ces élections reflètent effectivement le choix de la population, c’est-à-dire qu’elles servent à proclamer des dirigeants réellement élus par la population ».

Il est d’avis que dans le cas contraire, on donnerait raison aux pourfendeurs des élections en RDC.

« En quoi ça servirait de dépenser 500 millions de dollars pour financer le sous-développement au travers d’un simulacre d’élections ? », s’interroge-t-il.

Et à Matata Ponyo de marteler que « dans ce pays, on peut faire des élections avec 250 millions de dollars, voir moins, si les élections sont planifiées, budgétisées et si les ressources y affectées sont gérées de manière efficiente ».

JPK

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