La communauté de l’ISP Bukavu (Sud-Kivu) a été édifiée, mardi 20 décembre 2022, sur le rôle des établissements d’enseignement supérieur et universitaire dans la construction de la paix en République démocratique du Congo. Elle a bénéficié de l’expérience du Dr Denis Mukwege, à l’occasion d’une conférence sur le viol et les violences sexuelles utilisés comme arme de guerre, organisée par la «Dynamique Prix Nobel de la paix ».
Devant de professeurs membres des corps académique, administratif et technique, les étudiants du premier institut supérieur à avoir vu le jour au Sud-Kivu et autres invités, le Prix Nobel de la paix 2018 a salué la mémoire d’au moins 131 civils tués à l’aide d’armes à feu et armes blanches les 29 et 30 novembre derniers à Kishishe et Bambo, par le groupe terroriste du M23, selon le rapport d’enquête préliminaire publié par les Nations Unies.
Il a soutenu que face à la détérioration de la situation sécuritaire actuelle en République démocratique du Congo, en refusant d’oublier les victimes des atrocités, en refusant de se résigner au risque de trahir leur honneur et les rêves qu’ils caressaient, on accomplit un travail de vérité et de mémoire.
« Nous rappelons à nos compatriotes et au monde qu’en maints endroits, l’armée rwandaise, ses supplétifs de l’AFDL, du CNDP, du RCD, du M23 ainsi que d’autres occupants, ont commis des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, voire des crimes de génocide à l’encontre de notre population. Des milliers de nos frères et sœurs ont été sauvagement exécutés à Lemera, Kasika, Makobola, Kisangani, Kaziba, Kaniola, Beni, Butembo, etc. A ce jour, plusieurs d’entre eux n’ont pour sépulture que le Rapport Mapping des Nations Unies dont les recommandations sont malheureusement restées lettre morte depuis 11 ans », a fustigé d’un ton ferme le Dr Denis Mukwege.
Sortir de l’anesthésie intellectuelle
Il a démontré que les massacres de Kishishe et Bambo marquent le paroxysme de l’actuelle guerre d’agression imposée à la population congolaise, mais en rappellent d’autres et en annoncent d’autres.
« C’est autant des raisons de nous lever tous ensemble, a-t-il soutenu, comme un seul homme, de nous lever contre le broyage de notre humanité et contre la manipulation des faits qui falsifie l’histoire en tentant de faire passer des pyromanes pour des sauveurs ».
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Pour Dr Denis Mukwege, les établissements d’enseignement supérieur et universitaire ont l’obligation de jouer le rôle d’ éveilleurs de consciences de la société congolaise.
« Cette tâche de sentinelle de la mémoire est celle de chaque citoyenne congolaise et chaque citoyen congolais. Mais dans un contexte de danger pour notre Nation, elle est aussi et davantage celle des institutions de formation comme la vôtre. En plus de la formation scientifique dispensée à notre jeunesse pour la préparer à assumer ses responsabilités sociétales, vous tenez le rôle phare d’éveilleurs des consciences de notre société. Dans ce contexte de guerre, de velléités d’assujettissement de notre peuple et de balkanisation de notre pays, vous faites partie des dépositaires de notre mémoire collective, en tant que peuple et Nation», a-t-il martelé.
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Aux professeurs de l’ISP Bukavu, il a rappelé que la nature même de leur métier, la vocation d’enseignant, leur confère une importante responsabilité dans la gestion et la transmission de la mémoire.
« Car, a-t-il argumenté, une société qui oublie ses filles et fils massacrés à cause de la cupidité des hommes n’en est pas une. Car une société sans mémoire est sans repères. Et, sans repères, elle est vouée à la répétition des tragédies, d’échecs et des rendez-vous manqués qui ont jalonné son histoire. Une telle société n’a objectivement pas d’avenir dans le concert des nations ».
User de l’intelligence collective
« L’homme qui répare les femmes » a affirmé que la guerre imposée aux congolais depuis trois décennies n’est pas pour défendre, réclamer ou protéger un quelconque peuple, mais elle est une guerre économique.
« L’avenir du Congo en tant que pays et nation est suspendu à cette donne. Tant que nous congolais nous ne comprendrons pas que notre pays est trop riche pour être laissé en paix, tant que nous ne comprendrons pas que nous devons user de notre intelligence collective pour tirer aussi notre épingle du « grand jeu » qui se joue sous nos yeux, sans nous, nous resterons les dindons de la farce.Le temps est venu de nous organiser pour nous doter d’une gouvernance à la hauteur de ces enjeux mondiaux et prendre notre destin en mains. Le temps est venu pour nous de comprendre que si nous avions été les perdants de l’époque esclavagiste, de l’époque coloniale et de ces 60 ans de la postcolonie, le moment est venu de nous doter des politiques et des dirigeants capables de comprendre les réalités mondiales et de placer notre pays dans une posture qui permettra à notre peuple d’être enfin bénéficiaire des ses richesses et non la victime éternelle », a déclaré Denis Mukwege.
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Plus loin dans son discours interpellateur devant la communauté de l’ISP Bukavu, ce fervent défenseur des droits humains a révélé le but principal des auteurs des viols commis à grande échelle dans l’Est de la RDC.
« Le viol utilisé comme arme de guerre, a-t-il dit, dans leur caractère massif et systématique est une stratégie utilisée par ceux qui veulent nous dominer pour exterminer notre peuple en douceur. Il revient à chaque intellectuel, chaque citoyenne et citoyen et chacune de nos institutions d’enseignement d’attirer l’attention de notre jeunesse et nos compatriotes sur ce danger ».
Réaction de l’ « Appel patriotique »
Présent dans la salle, Bagalwa Patient, coordonnateur urbain de l’ « Appel patriotique »/ fédération de Bukavu, une structure qui milite pour la candidature du Dr Denis Mukwege à l’élection présidentielle prévue en décembre 2023, a indiqué que la population congolaise aura ce qu’elle veut.
« Le Prix Nobel de la paix est un patriote de sang. C’est un homme qui a de la valeur. Et nous devons user de ses valeurs. Et nous devons mettre ses valeurs en marche pour qu’il puisse les amener à réparer le Congo. Le Prix Nobel de la paix n’est pas seulement un patriote mais c’est aussi un développeur. Nous l’avons toujours vu à l’œuvre…Alors si nous pouvons l’amener à la tête du pays, nous sommes sûrs qu’il va développer notre pays avec ses qualités et ses valeurs », a-t-il réagi à la presse à la fin de la conférence.
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