Principal incriminé dans le dossier du marché des forages payé en procédure d’urgence, l’ancien ministre des Finances, Nicolas Kazadi, se la coule douce en homme très libre alors que deux autres suspects, Mike Kasenga et François Rubota croupissent à la prison centrale de Makala. L’entrepreneur et l’ancien ministre du Développement rural ont déjà passé un mois et demi dans le geôle, quarante-quatre (44) jours pour être précis. Ça sent une justice à double vitesse, même si de nombreuses zones d’ombre demeurent encore non élucidées dans ce dossier.
Placés sous mandat d’arrêt provisoire, Mike Kasenga et François Rubota attendent leur procès dans le dossier des forages à la prison de Makala. Leurs avocats affirment qu’ils sont détenus « abusivement » étant donné que le débat est très agité entre le parquet et la défense des prévenus autour de l’accusation de « dissipation des fonds publics« , qualifiée de « détournement » par le magistrat instructeur.
Du point de vue des avocats de Mike Kasenga et François Rubota, au regard du fait que les faits pour lesquels leurs clients sont poursuivis constituent une affaire purement civile liée à un contrat, elle devait se régler normalement devant le Tribunal de commerce. Ils justifient cette position par le fait que le contrat à la base des ennuis judiciaires de l’homme d’affaires et de l’ex-ministre du Développement rural a été signé, d’après eux, en bonne et due forme avec le gouvernement congolais. Ils évoquent une disposition dudit contrat, qui dispose qu’« en cas de manque d’attente, c’est le tribunal arbitral de l’OHADA qui est compétent pour connaître du dossier… ».
Kazadi innocent ou intouchable?
Ce qui révolte plus d’un observateur est que l’ancien ministre des Finances, qui est pourtant le principal suspect et incriminé n’a véritablement jamais été inquiété dans ce dossier. Non seulement il est libre de ses mouvements, mais surtout a été complimenté par le président de la République, Félix Tshisekedi dans une interview accordée à Top Congo FM et à Congo indépendant.
Le chef de l’Etat a même laissé entendre que Nicolas Kazadi serait le « meilleur ministre des Finances » que la RDC n’ait connu. De quoi soulever la question de savoir si le financement du projet des forages par lui a été ou non clean.
Si oui, François Rubota et Mike Kasenga font quoi en prison? Sinon, on attend quoi pour arrêter Nicolas Kazadi?
Aux dernières nouvelles, les travaux de construction des forages continuent et au moins 70 sites ont déjà été livrés au gouvernement.
« A ce jour, 56 sites sont presque finis et 10 complètement terminés qui sont en attente de réception. Et pour ces derniers ouvrages, la société Stever construct a écrit depuis le 23 juillet dernier au nouveau ministre d’Etat, ministre du Développement rural, Muhindo Nzangi, pour lui communiquer la liste des membres du ministère devant les recevoir à Boma (Kongo central), Bulungu, Kwenge et Munzabala (Kwilu) et à Kinshasa. Dans la même lettre, Stever construct promet de livrer pendant ce mois d’août et septembre 2024 les stations de forage dans les provinces de Mongala, Kasaï oriental, mais aussi les stations complémentaires dans les provinces de la Tshopo et de l’Equateur. Correspondance qui malheureusement est sans suite jusqu’à ce jour. En plus, Stever construct a écrit au parquet pour qu’il vienne constater les matériels dans ses entrepôts en attente d’être expédiés dans les provinces concernées par le projet. Là aussi, aucune suite n’est accordée à cette correspondance », indique une source proche du dossier.
Elle ajoute que des conteneurs dédouanés au port de Matadi sont en route vers Kinshasa pour la poursuite des travaux.
Par ailleurs, des juristes estiment qu’il y a de bonnes raisons de s’inquiéter de la tournure qu’a prise cette affaire.
De leur point de vue, Nicolas Kazadi traîne des cadavres plus visibles dans d’autres affaires pour lesquelles il aurait dû être inquiété depuis. Mais hélas, dans celle du marché des forages, ce sont François Rubota et Mike Kasenga qui sont au gnouf.
Parmi ces dossiers, on énumère entre autres, les projets du Centre financier, Kinshasa Arena, aéroport de N’djili, carte d’identité, la dette intérieure, les exonérations ou encore le montage financier de 500 millions USD de Foner dont se dégage une puante odeur de la mafia.
Pas étonnant quand on sait que le président de la République a lui-même diagnostiqué que la justice congolaise est malade.
Junior Lomanga