Débutera, débutera pas? La construction de l’aéroport de Lodja, principale agglomération de la province du Sankuru, n’a jamais été autant évoquée. Le début effectif des travaux est annoncé avec insistance comme étant imminent. Malheureusement, les résultats attendus risquent de décevoir plus d’un Sankurois, étant donné qu’Adi-Construct, l’entreprise privée qui a obtenu ce marché fait l’objet de soupçons de compromission, à défaut d’avoir été roulée dans la farine. Premier volet d’une enquête menée par alternance.cd sur les projets d’infrastructures annoncés par le gouvernement central au Sankuru, mais jamais réalisés.
Lundi 11 décembre 2023, le directeur général de l’Agence de pilotage, de coordination et de suivi des conventions de collaboration signées entre la RDC et ses partenaires privés (APCSC), Freddy Yodi Shembo, lançait les travaux de construction de l’aéroport de Lodja. En fait, il avait, au nom du ministre des Infrastructures et travaux publics, présidé la cérémonie du début symbolique desdits travaux. A l’occasion, il avait expliqué, en présence des élus de Lodja et du gouverneur du Sankuru de l’époque, Jules Lodi, que la réalisation de cet aéroport est la réponse du président Félix Tshisekedi à la promesse qu’il avait faite aux habitants du Sankuru de désenclaver ce coin du pays lors de son dernier passage dans la province.
« Ces travaux seront exécutés par la société Adi construction dans le cadre du programme sino-congolais. Cette société a pour mission de servir d’interface entre la RDC et ses différents partenaires dans les efforts pour doter à la République démocratique du Congo des infrastructures adéquates de base pour son développement, en mettant en sécurité les ressources naturelles », avait expliqué, Eddy Kabelu, chargé de communication de l’APCSC.
Huit mois en arrière, l’entreprise privée Adi-Construct, représentée par son ADG, Jean-Benoît Adimashi Okito, avait signé, en avril 2023, un contrat avec l’État congolais représenté par le ministre des Transports, voies de communication et désenclavement, en présence notamment du directeur général de la Régie des voies aériennes (RVA), pour la construction d’un aérogare, de la tour de contrôle et de la piste d’atterrissage de l’aéroport de Lodja.
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Le contrat, consulté par alternance.cd, porte notamment sur la construction d’une piste d’envol de 2200 mètres de longueur et de 30 mètres de largeur avec un revêtement en béton hydraulique, une tour de contrôle, un bloc technique, une aérogare et autres.
Huit millions USD disparus dans la nature?
Près d’une année après le lancement officiel des travaux, ceux-ci n’ont pas connu de début. Qu’est-ce qui bloquait ? A cette question, les réponses du ministère des Infrastructures, de l’APCSC, d’Adi-Construct et des acteurs politiques du Sankuru divergent.
Au ministère des Infrastructures, on indique qu’une somme de 8 millions de dollars aurait été versée sur les comptes d’Adi-Construct en deux tranches par le Bureau central de coordination (BCeCo) dont une première quelques jours avant la cérémonie de lancement des travaux et une autre quelques semaines après.
Information confirmée à alternance.cd par de sources bancaires, qui ont révélé à votre média que de retraits auraient été effectués après les dépôts. En quoi aurait servi cet argent étant donné que les travaux n’ont pas été effectués et que seuls deux véhicules estampillés Adi-Construct sont visibles depuis des mois à l’aéroport de Lodja comme signes des travaux ? -Mystère
La réponse viendrait peut être d’un député national honoraire du Sankuru, qui affirme que de pressions ont été exercées sur le patron d’Adi-Construct pour qu’ «il partage le gâteau gagné par favoritisme, car il n’y a pas eu d’appel d’offre», avec un groupe de personnalités dont Sama Lukonde, alors premier ministre.
Accusation rejetée par cette société privée, qui éprouve étonnement, du mal à confirmer ou infirmer le présumé versement sur ses comptes bancaires logés à la Rawbank, par le Bureau central de coordination (BCeCo), de la somme de 8 millions USD. Le doute ne profite-t-il pas à l’accusation ?
Un avenant de 10 millions USD ?
Une autre source indique que la somme de 10 millions USD sollicitée par le ministre d’État, ministre des Infrastructures et travaux publics, Alexis Gisaro Muvunyi, auprès de la Sino-congolaise des mines (Sicomines ) dans une correspondance datée du 15 août 2024, pour la construction de l’aéroport de Lodja ressort en réalité, d’un avenant signé avec Adi-Construct après que la somme de 8 millions USD précitée ait été bousillée sans que les travaux soient effectués.
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En français facile, Adi-Construct aurait gaspillé la somme de 8 millions USD perçus sans réaliser les travaux convenus et se serait mise d’accord avec l’APCSC pour trouver une autre somme devant servir cette fois-ci aux travaux proprement dits.
Mais ce n’est pas tout car, les travaux de construction de l’aéroport de Lodja sont au centre d’une bataille politique rude entre deux groupes d’acteurs politique du Sankuru: les « Vieux », accusés d’avoir beaucoup « bouffé » au nom de la province et les « jeunes », qui voudraient à leur tour « bouffer ». Nous en parlerons dans le troisième volet de cette série d’articles.
Le deuxième volet sera consacré à l’architecture mise en place par le DG de l’APCSC, Freddy Yodi Shembo, son jeune frère Jacques Yodi, premier président de la Cour d’appel du Sankuru placé à la tête d’une société de sous-traitance liée par un contrat de collaboration avec Adi-Construct et leur pion à l’Agence congolaise des grands travaux (ACGT) ainsi qu’un groupe d’élus, qui s’apprêtent à «gérer » les travaux d’infrastructures prévus au Sankuru par le gouvernement central dont ceux de viabilisation de Lumumba ville.
Pami Halele
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