

Tribune
Depuis un certain temps, le débat sur le fédéralisme ressurgit dans l’espace public congolais. On le présente comme la solution aux crises récurrentes de gouvernance, à la marginalisation supposée de certaines provinces, ou encore comme une réponse à la question sécuritaire, notamment à l’Est de notre pays. Mais si l’analyse de nos maux nationaux est légitime, la proposition du fédéralisme, dans le contexte congolais, est une fausse réponse à un vrai problème. Et en tant que Nationaliste Lumumbiste, je m’y oppose fermement.
L’idée d’un État fédéral, séduisante en apparence, n’est pas neutre. Elle porte avec elle un soubassement idéologique et historique dangereux pour l’unité nationale, et cela, les pères fondateurs de notre indépendance l’avaient compris dès 1960.
Lumumba et Gizenga, pionniers de l’unité républicaine
Lorsque le Congo accède à l’indépendance, il se retrouve immédiatement confronté aux forces centrifuges. À peine né, l’État congolais subit les affres de la sécession du Katanga et du Sud-Kasaï, orchestrées par des intérêts étrangers soucieux de garder la mainmise sur nos ressources naturelles. Dans cette tempête, Patrice Emery Lumumba se dresse en défenseur de l’unité nationale. Pour lui, le Congo devait rester un et indivisible, malgré sa diversité ethnique, culturelle et géographique.
Cette conviction, il l’a exprimée avec une clarté implacable : « Nous préférons un État unitaire, car c’est la meilleure façon de garantir la cohésion nationale. » Son compagnon de lutte, Antoine Gizenga, ira jusqu’à créer un gouvernement de résistance à Stanleyville, pour préserver la légitimité d’un État unitaire face aux forces sécessionnistes.
C’est dans cette tradition politique, forgée dans la douleur et l’idéal panafricain, que s’inscrit le PALU, notre cher parti, fondé sur des valeurs de justice sociale, de solidarité nationale et de souveraineté populaire. Le PALU n’a jamais varié : il a toujours rejeté le fédéralisme, parce qu’il sait ce que ce modèle représente dans un contexte postcolonial où les puissances extérieures n’ont jamais cessé de vouloir diviser pour mieux régner.
Un modèle inadapté au Congo
Le fédéralisme suppose des entités régionales fortes, autonomes, dotées de leur propre législation, fiscalité, parfois même de leur propre politique étrangère ou sécuritaire. Dans des pays au passé colonial fragmenté comme le nôtre, cette structure renforce les inégalités territoriales, institutionnalise les fractures ethniques et affaiblit l’État central, au moment même où notre peuple a besoin d’unité pour relever les défis du développement, de la paix et de la souveraineté.
On nous parle d’un fédéralisme “adapté”, “à la congolaise”. Mais en vérité, ceux qui défendent aujourd’hui cette idée instrumentalisent les souffrances des populations — notamment à l’Est du pays — pour légitimer un projet sournois : celui de la balkanisation.
Un projet de balkanisation en marche
Depuis plusieurs années, des forces obscures, appuyées par des puissances étrangères, ravivent des conflits communautaires, financent des groupes armés, déstructurent le tissu social l’Est de la RDC. Ces forces sèment la mort, déplacent les populations, détruisent les institutions locales. Et quand le chaos s’installe, elles viennent proposer la solution du fédéralisme, comme si l’on pouvait soigner une plaie ouverte avec du poison.
Le narratif est bien rôdé : “L’État central est trop faible. Les régions doivent prendre leur destin en main. Le fédéralisme apportera la paix.” Mais ce discours est hypocrite, car ceux qui l’avancent ne cherchent pas la paix, mais la partition progressive du territoire, le contrôle régionalisé des ressources, et la fin de la souveraineté nationale.
L’alternative : un État unitaire, fort, juste et décentralisé
Ce dont le Congo a besoin, ce n’est pas de se morceler davantage. Ce qu’il nous faut, c’est un État unitaire réellement décentralisé, qui fonctionne, qui respecte les textes, qui donne du pouvoir aux provinces et aux entités territoriales décentralisées, sans pour autant menacer l’intégrité nationale.
Un État qui renforce la gouvernance locale, mais dans le cadre d’une nation solidaire, où le Nord s’indigne de la souffrance du Sud, où l’Est et l’Ouest se tiennent la main, où le sort de Goma concerne Kinshasa autant que celui de Matadi ou de Mbandaka.
Les Congolais, sont condamnés à vivre ensemble. C’est une vérité historique, géographique, et morale. C’est un fait. Et c’est aussi une chance. Notre diversité est notre force, à condition que nous la mettions au service d’un même idéal : celui d’un Congo un, indivisible, maître de son destin, fidèle à la vision de ses martyrs.
Refusons le fédéralisme. Opposons-lui un projet national fort. Luttons contre la balkanisation, défendons l’unité, la justice sociale et la souveraineté populaire.
Christian Makamba
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