
La mise à la retraite de l’inspecteur général des finances-chef de service de l’Inspection générale des finances (IGF), Jules Alingete, et son remplacement par Christophe Bitasimwa Bahii, secondé par Emmanuel Tshibingu est largement commentée par la population de Kinshasa. Les reporters d’alternance.cd ont réalisé un micro baladeur ce jeudi 8 mai 2025.
De la commune urbo- rurale de Maluku, à la commune de Mont-Ngafula en passant par les communes de Matete, Ngaba et Makala, en tournant par Limete, Barumbu, Kinshasa, Gombe et Lingwala, le changement à la tête de l’IGF est sur toutes les lèvres.
Tous les Kinois interrogés parlent de Jules Alingete, inspecteur général des finances-chef de service sortant, comme de l’épouvantail de la guerre anti-corruption, déclenchée et dirigée par le président de la République, Félix Tshisekedi.
On note avec admiration que jamais dans l’histoire de la République démocratique du Congo, les réseaux maffieux de la corruption et les auteurs de la mauvaise gouvernance n’ont été autant traqués que lors de cinq dernières années.
La peur du gendarme

Un fonctionnaire à la retraite rencontré à la direction générale de la CNSSAP à Limete, a partagé en ces termes son opinion: « j’ai travaillé pendant plus de quarante ans dans l’administration publique. Ce n’est qu’à deux ans de ma retraite, soit à partir de 2021, une année après la relance de l’IGF par le président Félix Tshisekedi, que j’ai vu mon directeur et notre secrétaire général commencer à avoir peur de toucher les recettes de notre administration. Pourtant, depuis des années, c’était géré comme leur boutique ».
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Comme lui, un opérateur économique lié par un contrat avec une entreprise publique affirme que sous Jules Alingete, l’IGF a réellement inspiré la peur du côté des prédateurs des deniers publics.
« Auparavant, nous touchions notre argent plusieurs mois avant la livraison, et même avant de commander la marchandise à livrer à notre partenaire. Celui-ci, grâce à nos réseaux, ne nous mettait aucune pression. Mais tout a changé avec la relance de l’IGF. Désormais, on nous exige une pile de documents et il faut vraiment être sérieux et rigoureux pour bénéficier d’un marché public », témoigne-t-il.
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Et, ce n’est pas le chef de l’Etat qui dira le contraire, lui dont la vision a permis d’obtenir les résultats engragés par l’IGF ces cinq dernières années.
« L’IGF aide les pouvoirs publics à mettre la pression sur ceux qui s’adonnent au détournement et à la corruption. Elle dévoile tous les systèmes de corruption mis en place», déclarait Félix Tshisekedi en 2023.
Pas étonnant que le président de la République ait formellement encouragé le gouvernement Judith Suminwa, le tout premier de son second quinquennat, de s’inspirer de la bonne gouvernance telle que tracée par l’IGF sous la direction de Jules Alingete.
L’homme de 61 ans, qui a consacré 37 ans de sa vie au service de la protection des finances publiques dont 5 ans en tant que chef de service de l’IGF, au milieu des menaces de toutes sortes venant des réseaux maffieux laisse des empreintes indélébiles.
Il a réussi notamment à faire de l’IGF, d’après l’Obervatoire de la dépense publique (ODEP), « un outil de veille citoyenne, un rempart contre le gaspillage des ressources publiques».
Le passage de celui qui a été surnommé « Alligator » à la tête de l’Inspection générale des finances a aussi permis, selon un professeur en SIC de l’UPN, de rendre populaire la lutte contre la corruption au point qu’actuellement, dénoncer un voleur de deniers publics s’est enraciné dans la mentalité des congolais.
L’ODEP souhaite que ce travail soit pérennisé par la nouvelle équipe.
La justice interpellée
Toujours dans le chapitre des acquis, les congolais se souviennent que c’est grâce aux révélations de l’IGF que le contrat sino-congolais a été révisé, ce qui a permis à la RDC de gagner 7 milliards de dollars destinés exclusivement à la construction des infrastructures routières. L’une des premières réalisations phares de la révision du contrat chinois est sans doute les rocades de Kinshasa, ces 63 km d’autoroute en construction dans la périphérie de Kinshasa dont les travaux vont coûter 300 millions USD.
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Pour un juriste interrogé au palais de justice ce jeudi, le seul bémol est la justice, qui selon lui, n’a pas accompagné comme il se devait le travail de l’IGF.
« Que voulez-vous ? Les inspecteurs des finances ont fait leur travail. Ils ont déposé les rapports à leur chef qui, après analyse, les a transmis à qui de droit. Les fonds volés n’ont presque toujours pas été restitués mais curieusement, presque tous les gestionnaires qui ont fait disparaitre ces fonds sont libres et clament même leur innocence», regrette-t-il.
Ce qu’il faut savoir sur le successeur de Jules Alingete

Mis à la retraite, Jules Alingete cède le poste d’inspecteur général des finances-chef de service de l’IGF à Christophe Bitasimwa Bahii. Ce dernier était jusqu’à sa nomination, chef de brigade en charge des entités territoriales décentralisées.
Le nouveau numéro un de l’IGF est un agent de carrière à la Fonction publique. Christophe Bitasimwa Bahii a gravi tous les échelons jusqu’ au grade de secrétaire général.
Ce docteur en économie et développement a notamment occupé les fonctions de secrétaire général à l’Economie nationale, aux Finances et à l’Industrie. Son parcours l’a aussi amené à siéger comme membre du Conseil d’administration de l’Agence nationale pour la promotion des investissements (ANAPI) entre 2017 et 2024.
Son adjoint, l’inspecteur général des finances-chef de service adjoint, Emmanuel Tshibingu Nsenga est inspecteur à l’IGF depuis 1998. Il est licencié en économie monétaire internationale et pasteur responsable de l’Eglise Cité Béthel/Salongo, à Kinshasa.
Les Kinois interrogés sont convaincus qu’au regard de leurs parcours, le tandem Bitasimwa-Tshibingu gardera le train de l’IGF sur les rails.
J. Lomanga, A. Kanyama et P. Halele