
OPINION
La République Démocratique du Congo, un géant au cœur de l’Afrique, ne pourra jamais aspirer à la paix durable ni à la souveraineté véritable sans une armée forte, disciplinée et enracinée dans une doctrine nationale claire. Rolland Makolo, un jeune chercheur, démontre la nécessité pour le pays de se renforcer militairement.
Le renforcement de nos forces armées n’est pas seulement une question de sécurité : c’est une question de survie collective, de dignité et d’identité. L’histoire nous a trop souvent enseigné que les États sans colonne vertébrale militaire deviennent des territoires à piller, des peuples à soumettre. Depuis trop longtemps, le Congo confie sa sécurité à d’autres, comme si la paix pouvait être importée, comme si la souveraineté pouvait se négocier. Mais l’histoire nous rattrape, et elle est brutale : aucun État n’est respecté s’il ne peut garantir lui-même la sécurité de son territoire et de son peuple. Alors que les menaces se multiplient à nos frontières, que nos terres sont convoitées, que nos citoyens tombent sous les balles de groupes armés et des puissances invisibles, il est temps de poser une question fondamentale : quelle armée pour défendre la République ?
Comment renforcer l’armée congolaise ?
Réforme structurelle et dépolitisation de la chaîne de commandement
La première bataille se joue à l’intérieur de l’institution militaire elle-même. Une armée affaiblie par les intérêts politiques, les réseaux mafieux et la corruption ne peut défendre aucun idéal national. Il est impératif de procéder à une restructuration totale de la chaîne de commandement. Cela implique un audit sévère des effectifs, l’élimination des grades fictifs, et la promotion au mérite, et non par proximité politique. L’armée doit être républicaine, non partisane.
Formation : réarmer les cerveaux avant les fusils
Aucune armée moderne ne tient sans une élite militaire instruite, capable de penser la guerre avant de la mener. Il est urgent d’investir dans des académies militaires dignes de ce nom, dotées de programmes en stratégie, géopolitique, cyberdéfense et renseignement. Nos officiers doivent être formés à comprendre les enjeux globaux, à penser africain mais avec une vision mondiale. Former, c’est libérer. C’est faire du soldat un stratège, pas une simple force d’exécution.
Production nationale et autonomie logistique
Tant que la RDC dépendra de l’extérieur pour son armement, elle sera vulnérable. Il faut initier une politique industrielle militaire congolaise, même modeste au départ. L’objectif : produire sur place le minimum vital — armes légères, uniformes, munitions, systèmes de communication – et créer un écosystème technologique capable de résister à l’embargo, à la manipulation et au chantage extérieur.
Revalorisation du statut du soldat
Un soldat qui meurt de faim ou dont la famille est abandonnée perd vite le sens du sacrifice. L’État doit restaurer la dignité du militaire congolais : salaires décents, logement, assurance santé, reconnaissance publique. Le soldat ne doit plus être perçu comme une menace par la population, mais comme un protecteur. Cela passe aussi par la discipline, la formation civique et l’exemplarité.
Vers un service militaire citoyen et panafricaniste
Il est temps de reconnecter l’armée à la jeunesse.
Le Congo a besoin d’une génération formée à défendre ses frontières mais aussi ses valeurs. Un service militaire ou civique obligatoire — orienté vers l’éducation patriotique, la protection du territoire et l’unité nationale – pourrait forger un nouveau lien entre l’État, le peuple et la patrie.
L’armée ne doit plus être un corps étranger, mais une extension vivante du peuple.
Une doctrine militaire congolaise et panafricaine
Enfin, toute armée digne de ce nom doit reposer sur une doctrine claire. Il ne suffit pas de réagir aux attaques, il faut penser l’ennemi, anticiper les menaces, et redéfinir les alliances. La RDC doit cesser de mendier la paix et commencer à l’imposer. Cela passe par une diplomatie de puissance, une souveraineté sur ses renseignements, et un ancrage stratégique avec les peuples africains qui partagent notre destin.
Une armée forte ne se mesure pas seulement à la puissance de son arsenal, mais à la solidité de sa vision, à la clarté de sa mission, et à la confiance que lui accorde le peuple. Le Congo a trop souffert des compromissions, des armées hybrides, des alliances dangereuses. Il est temps de bâtir une force réellement nationale, disciplinée, moderne, panafricaniste et populaire. Ce n’est pas un luxe, c’est une urgence. Et au-delà des discours, cela exige une volonté politique, une mobilisation nationale, et un sursaut moral. Le Congo ne sera respecté que s’il se fait respecter. Et pour cela, il doit redevenir maître de sa sécurité.
Tribune de Roland Makolo
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