
Vingt-cinq ans après la guerre des six jours qui a opposé les armées rwandaise et ougandaise à Kisangani, un film documentaire relate cette page noire et sombre de l’histoire de la République démocratique du Congo. Ce récit des évènements tragiques qui ont fait un millier de morts et plus de trois mille blessés dans le chef-lieu de l’actuelle province de la Tshopo, produit par Divo international avec l’appui du Fonds de réparation et d’indemnisation des victimes des activités illicites de l’Ouganda en République démocratique du Congo (FRIVAO) a été diffusé en avant première, ce jeudi 5 juin 2025, à Showbuzz de Kinshasa.
L’initiative s’inscrit dans le cadre de la construction de la mémoire collective afin que toutes les générations tirent les enseignements de ce qui s’est passé en vue d’une réparation durable et définitive.
A cet effet, le film documentaire « La Guerre des 6 jours de Kisangani » présente plusieurs facettes de cette guerre, notamment ses causes profondes, son déroulement, son impact sur la société et les victimes ainsi que les efforts de réparation.
Ce documentaire s’inscrit dans une démarche de construction de la mémoire collective, pour que les générations futures tirent les leçons du passé. Il montre aussi la distribution symbolique d’indemnisations et les efforts encore insuffisants et insignifiants de réparation des infrastructures détruites.
L’horreur relatée par des survivants
La caméra tournée vers les dégâts matériels qui restent malheureusement visibles vingt-cinq ans plus tard, la production a fixé le micro sur des victimes, femmes, hommes et enfants qui ont perdu tout et assisté à ce qui est décrit par tous comme un enfer.
Pendant plus d’une heure et demie, des survivants émus racontent l’horreur vécue pendant six jours sous les bombardements à l’aveuglette des armées rwandaise et ougandaise. Certaines victimes, amputées de membres et/ou ayant perdu tous les membres de leurs familles, témoignent non sans verser les quelques larmes qui leur restaient après avoir pleuré pendant un quart de siècle.
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Un membre de la Croix rouge internationale raconte par exemple, comment lui et ses collègues avaient enterré des centaines de corps des victimes sous des bombardements et dix mois après la guerre, allant jusqu’à exhumer certains corps mal enterrés pour les enterrer de nouveau.
Un médecin toujours hanté par le drame
Un autre témoignage émouvant et qui a fait couler des larmes aux invités méticuleusement choisis pour cet avant-première, est celui du Dr Dieu donné Mata, actuel médecin directeur des Cliniques universitaires de Kisangani(CUK). Jeune médecin traitant au moment de la guerre, il se rappelle, tout ému, que l’hôpital était transformé en refuge et que les blessés affluaient chaque minute et chaque heure.
« C’était l’ouverture de la porte de l’enfer pour Kisangani…Certains malades mourraient deux à trois heures après leur arrivée aux Cliniques à cause de la lenteur et du manque des médicaments, parce que la salle d’opération était toujours occupée », se souvient-il.
Vingt-cinq ans après, il est toujours hanté par les blessés entassés et le manque de moyens médicaux.
Il reconnaît que la guérison psychologique n’est pas encore au rendez-vous et qu’à chaque passage dans les couloirs de l’hôpital où étaient entassés les blessés, certains saignant sérieusement, il revoit ces scènes apocalyptiques.
La nécessité de réparer les infrastructures détruites
Autre personne ressource phare du documentaire, le professeur et politologue à l’Université de Kisangani, Alphonse Maindo, estime que la ville de Kisangani doit être reconstruite avec les fonds versés par l’Ouganda pour ses activités illicites sur le sol congolais et que le Rwanda aussi doit payer.
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De son côté, Chançard Bolukola, coordonnateur de Frivao, bien que trop jeune à l’époque, affiche sa détermination à lutter, sous les orientations du ministre d’État, ministre de la Justice et garde des sceaux, Constant Mutamba, pour ancrer durablement cette partie tragique de l’histoire de la RDC dans la mémoire collective. Pour ce faire, il entend s’impliquer aux côtés du gouvernement central, pour d’une part, la vulgarisation de ce film documentaire et, d’autre part, la construction du mémorial sur le lieu où sont superposées les fosses communes de victimes.
Le Rwanda énerve toujours
Pour sa part, la coordinatrice provinciale du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), également interviewée dans le documentaire, est révoltée du fait que le Rwanda n’a pas été inquiété contrairement à l’Ouganda qui, a été condamné par la Cour internationale de justice à verser 325 millions de dollars à la RDC pour ses activités illicites. Une somme certes dérisoire au regard des dégâts causés et de celle sollicitée par Kinshasa, mais tout de même symbolique et importante pour le processus de réparation.
Par ailleurs, le documentaire montre la distribution aux rescapés de leur indemnisation symbolique et les efforts fournis pour la réparation-encore insignifiante-des infrastructures détruites pendant la guerre des six jours.
Ce film documentaire des affrontements meurtriers entre les armées rwandaise et ougandaise à Kisangani en juin 2000 mérite d’être montré à tous les congolais.
Robert Djanya
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