Prince Bagula, un jeune du mouvement « génération rupture », scrute au scalpel la situation qui prévaut actuellement en RDC.
Il estime que Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, pourrait jouer un rôle dans la reconfiguration au sommet de l’Etat.
Lisez l’intégralité de son analyse dans les lignes qui suivent :
Une nouvelle ère semble avoir sonné dans l’histoire de la République Démocratique du Congo ce dimanche 6 décembre, avec le discours inédit du chef de l’Etat où il a annoncé avoir mis fin à la coalition au pouvoir et a prévu de mettre en place un dispositif conduisant à la constitution d’une nouvelle majorité parlementaire.
Si cette situation ne laisse pas inactive la classe politique congolaise, toutes tendances confondues, certains acteurs sociaux apolitiques risquent d’être au centre de la restructuration qui ne tardera pas à avoir lieu. Et un nom sort du lot : il s’agit du lauréat du Prix Nobel de la Paix 2018, le Dr. Denis Mukwege.
Si l’on doute encore du rôle qu’aura chaque acteur dans la RDC à venir, il reste certain que le Dr Denis Mukwege fera partie des parties prenantes de premier plan dans la nouvelle configuration de la classe dirigeante. Que cela lui plaise ou non, il sera au moins contacté pour une raison ou une autre.
Toujours acharné contre l’impunité de crimes commis en RDC, surtout contre la promotion des criminels de sang et des criminels économiques aux postes de responsabilité, le Dr Denis Mukwege n’aura pas été offensé par les décisions contenues dans le speech du Chef de l’Etat.
Plus qu’un médecin, Denis Mukwege est l’une des têtes de proue de la société civile congolaise, au vu de sa réputation et de sa notoriété tant sur le plan national qu’à l’échelle internationale. C’est même en vertu de cet aspect que le pensionnaire de Panzi a été reçu par le Président de la République, pendant les consultations initiées par ce dernier en vue, selon lui, de constituer une « union sacrée » pour l’intérêt suprême de la nation.
A cette occasion, pour rappel, le Prix Nobel de la Paix avait insisté sur la mise en place d’un Tribunal Pénal International pour le Congo, ainsi qu’une rupture avec toutes les personnes qui ont commis des crimes. Toujours acharné contre l’impunité de crimes commis en RDC, surtout contre la promotion des criminels de sang aux postes de responsabilité, le Dr Denis Mukwege n’aura pas été offensé par les décisions contenues dans le speech du chef de l’Etat.
En effet, comme s’il paraphrasant intégralement le Sakharov 2014, Felix Tshisekedi s’est montré favorable à la création de la juridiction spéciale pour la RDC tant voulue par ce défenseur des droits humains, et n’a pas hésité à hachurer la lettre d’alliance qui le liait à la famille politique de son prédécesseur Joseph Kabila.
Par cette réceptivité, à l’égard des propositions découlant du mémorandum de « l’Homme qui répare les femmes », nul ne peut plus douter du bon climat qui règne entre les deux hommes ; et une probable proposition du Chef de l’Etat au Prix Nobel, de mettre son savoir-faire à la disposition de la république, devient de plus en plus certaine.
Néanmoins, si pour certains citoyens le célèbre médecin de Panzi est si propre pour se mêler des questions politiques du pays, au vu des obscénités qui entachent les politiciens congolais, il sera tout de même inconvenable que le pays se passe des services d’un tel fils ; surtout en cette période où il s’avère nécessaire de procéder à des réformes profondes.
Selon que le destin en dessinera les contours, le Dr Mukwege serait une pièce importante dans l’une des institutions qui devraient être mises en place. Mais laquelle est-ce donc, si celles ayant un caractère purement politicien ne lui conviennent pas ?
Si l’on en croit certaines langues, le poste d’informateur correspondrait au profil du seul Prix Nobel Congolais, car sa sagesse permettrait de dégager une majorité parlementaire fondée sur des bases éthiques. Mais en tout état de cause, ce poste devrait-il exposer l’homme aux mains jusqu’ici propres, à des contacts sulfureux.
Le rôle d’informateur étant de contacter des personnalités politiques de toutes les tendances, à ce poste Dr Mukwege aurait également le devoir de recevoir des criminels dont il a couramment soigné les victimes ; ce qui lui vaudrait un énorme sacrifice.
Ainsi si pareille proposition lui était faite, nulle ne pourrait deviner quel feedback réservera le Prix Nobel au premier citoyen du pays.
En outre, le Dr Denis Mukwege ne devra pas être mis à l’écart de l’équipe qui aura le rôle de peaufiner les stratégies de mise en œuvre du Tribunal International pour le Congo. Bien qu’étant du domaine médical, le Dr Denis Mukwege est un des rares congolais qui maîtrisent par cœur les différents rapports élaborés par des experts des Nations Unies, sur des cas de crimes commis en RDC depuis le début de la guerre. De ceux-ci, le Prix Nobel ne cesse d’évoquer celui du Projet Mapping, qui répertorie exactement 617 crimes commis sur le sol congolais entre 1993 et 2003.
Loin de ce terrain judiciaire, où il ne lui manque pas d’arguments, le gynécologue des banlieues de Bukavu devrait aussi être utile de par sa crédibilité et son honnêteté légendaires dans l’organisation d’un processus électoral crédible et réellement indépendant.
Si l’on tient compte de trois précédents cycles électoraux qu’a connus la RDC, depuis l’avènement de la 3ème république, il n’est de secret pour personne qu’il a manqué à la République une personne au profil unique pour conduire la commission électorale nationale indépendante.
Aujourd’hui, comme l’initiateur de l’Hôpital de Panzi et de la Fondation Panzi jouit désormais de la confiance des dirigeants [ce qui n’avait jamais été le cas avec le régime de Joseph Kabila], serait-il ingénieux pour le Président de la République de s’impliquer pour en faire le successeur de Corneille Naanga ? La complexité de la démarche pour accéder à cette responsabilité, dont dépend le destin de la démocratie du pays, ne saurait en tout cas obstruer le passage à Dr Mukwege ; car, en plus de son traditionnel métier de Médecin, il est un enseignant d’Universités, un pasteur au sein d’une église pentecôtiste de Bukavu et un des membres influents de la Société Civile au Sud-Kivu, sa province natale.
Ainsi, ce citoyen souvent perçu comme piment dans la sauce des politiques du Congo pourrait être exploité pour le bien d’une renaissance véritable de l’Etat de Droit en RDC, pourvu qu’il donne un avis favorable.
Par ailleurs, au cas où la confiance lui était accordée, l’homme de Panzi, pourrait-il rejeter la voix de détresse de tout un peuple qui croit en lui ? Ainsi, le débat est lancé.
Jules Yedja/C.P