Otage des Kabila de son vivant jusqu’à sa mort, intervenue le 1er février 2017, Étienne Tshisekedi Wa Mulumba a dû attendre quatre ans pour reposer véritablement en paix. Relégué dans son village natal par Kabila père, Tshisekedi père n’a pas eu la vie facile sous Kabila fils, qui l’a notamment assigné en résidence surveillée, réprimé les manifestations de ses sympathisants et même emprisonné sa dépouille durant deux ans. Un temps pris en otage lui aussi, son fils, Félix Tshisekedi, a réussi à déboulonner la Kabilie. Pour une première fois, l’anniversaire du décès du fondateur de l’UDPS a été commémoré, cette année, sans la crainte d’être perturbé par les Kabilistes.
Les Tshisekedi otages des Kabila devant l’Éternel ? Oubliez ça, tout a changé! Certes, l’histoire retiendra qu’Étienne Tshisekedi, le premier congolais à avoir bravé le régime du parti unique du temps de Mobutu, a été puni de la mesure d’éloignement, sous le régime de Kabila père, pour avoir organisé des activités politiques. Il avait été relégué, le 13 février 1998, à Kabeya Kamwanga, son village natal
Depuis lors et jusqu’à sa disparition, il n’avait jamais été totalement libre de mener son combat politique pour l’avènement d’un État de droit en République Démocratique du Congo. Les militants de son parti, l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) ont eux aussi subi la violence des Kabila père et fils. Des dizaines d’entre eux ont été tuées lors des manifestations organisées entre 1998 et 2018 et des milliers poussés à l’exil.
Leader incontesté de toutes les forces du changement, Étienne Tshisekedi a été un combattant jusqu’à son dernier souffle. Et, jusqu’à son dernier souffle, Joseph Kabila, le dernier des trois Présidents auxquels il s’est opposé, ne l’aura pas lâché d’une petite semelle.
Décédé en Belgique le 1er février 2017, la veille de la date prévue pour son installation à la tête du Conseil National du Suivi de l’Accord de la Saint Sylvestre (CNSA), obtenu à l’issue des consultations de la CENCO, son corps était devenu un objet de marchandages politiques pour le régime de Joseph Kabila. Son épouse, appelée affectueusement Maman Marthe, a été copieusement insultée par l’ancien Porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, qui a estimé qu’elle ne parlait pas bien français, à la suite du passage de cette dernière au journal Afrique de TV5 Monde pour dénoncer le refus du pouvoir de Kabila de voir le corps de son mari rentrer à Kinshasa. L’histoire se vengera sur ce dernier!
Il a fallu deux ans pour qu’il soit rapatrié au pays, afin finalement d’être inhumé. Entre temps, son parti fut dépouillé de ses cadres les plus en vue qui ont été débauchés pour renforcer la Kabilie. Joseph Olenghankoy aura été l’un des politiciens ayant aidé à mettre dans la poubelle les recommandations de l’Accord de la Saint sylvestre. Il a été nommé président du CNSA, plaça au passage son jeune frère Emery Okundji à la tête du prestigieux ministère des PTNTIC. Devenue puissante, la famille du leader de FONUS, pourtant réputé Tshisekediste, aurait acheminé plus de six jeeps 4X4 dans leur village natal situé dans le territoire de Lubefu, dans la très enclavée province du Sankuru.
Ce qui devait arriver arriva!
Devenu Président de la République à l’issue des élections de décembre 2018, le fils du Sphinx, Félix Antoine Tshisekedi, a lui aussi été un otage de Kabila fils. Oui, même en étant Président de la République, il a été contraint de se soumettre au dictat de son prédécesseur! Par exemple, personne ne comprenait pourquoi l’ancien et le nouveau présidents ne se rencontraient que dans la Commune de la N’sele, non loin de la ferme du premier cité. Silence, « C’est là que Kabila accorde des audiences à Tshisekedi », se targuaient les jeunesses kabilisées, aujourd’hui en débandade.
Kabila et ses partisans ont fait subir à Félix Tshisekedi des « humiliations » qu’il affirmera plus tard avoir « toléré », mais qui ont par le pousser à mettre fin à la coalition FCC-CACH. Les propriétaires des comptes tweeters ont leurs doses de mots pour qualifier Tshisekedi.
L’heure de la revanche a sonné pour celui qui a été surnommé « Fatshi Béton ». Pour y arriver, il a d’abord pris le contrôle des appareils militaires et judiciaires avant d’éclater la majorité parlementaire. Depuis sa ferme de Kingakati, Joseph Kabila n’a eu que ses yeux pour suivre, la déchéance de Jeanine Mabunda, une de ses proches, de la tête du bureau de l’Assemblée nationale.
Mais, Kabila fils n’était encore qu’au début d’une longue série d’événements inquiétants pour lui. En effet, au lendemain de la destitution du bureau Mabunda de la chambre basse du parlement, il s’est rendu dans la province du Lualaba pour une tournée qui s’est révélée être un si long séjour dans l’ex-Katanga.
Il s’y trouve encore. Et, depuis deux mois maintenant, il n’a plus de majorité à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre, issu de son camp, Sylvestre Ilunga Ilunkamba, a démissionné après le vote de la motion de censure initiée contre son gouvernement par les députés pro Tshisekedi, constitués en majorité des anciens Kabilistes !
Déplumé, l’ex-Raïs s’est retranché !
L’Union sacrée de la Nation prend des ailes. Le FCC, autrefois présenté comme une machine politique à broyer, est tombé en panne et est abandonné par ses sociétaires. Tous, sauf une poignée de fidèles, ont sauté dans le bateau de l’Union sacrée.
Ceux qui sont restés se battent pour leurs positionnements. Le cas du bras de fer qui prévaut entre le Secrétaire Permanent du PPRD, Emmanuel Ramazani Shadary et le Président de la Ligue des Jeunes de ce parti, Serge Kadima.
Dans ce cocktail de malheurs qui frappent sa plateforme politique, d’aucuns se demandent où est passé Joseph Kabila. L’homme s’est retranché à Kashamata, village situé sur la route qui conduit à la ville frontalière de Kasumbalesa, dans sa ferme Espoir, construite sur une colline. Déplumé, l’ex Raïs reçoit peu de personnes et peu d’informations sur les activités qu’il y mène filtrent. Tout ce dont est sûr, c’est que si Kabila père a relégué Tshisekedi père dans son village natal, Tshisekedi fils a contraint Kabila fils à se retrancher dans un village situé à des milliers de kilomètres de Kinshasa, capitale de la République Démocratique du Congo et centre des décisions politiques.
MWANGE Didier/ALTERNANCE.CD