Détenu depuis quelques jours au Centre pénitentiaire de rééducation de Kinshasa (CPRK), ex-prison centrale de Makala pour détournement présumé de fonds Covid-19, l’ancien ministre de la Santé, Dr Eteni Longondo a été brièvement évacué vers un centre hospitalier pour des soins avant de regagner sa cellule mardi 7 septembre 2021. Le « souci de santé » de ce cadre de l’UDPS dont on ne connait pas la nature exacte rappelle les ennuis de santé d’anciens détenus et même d’actuels détenus emblématiques de la prison de Makala, qui ont eu visiblement du mal à accepter leurs conditions carcérales. Petit tour d’horizon de prisonniers V.I.P.( (sigle de l’anglais, Very Important Person, en français personne très importante) qui se sont transformés en malades V.I.P.
L’état de santé «inquiétant » de Diomi Ndongala
Qui d’autre pouvait bien ouvrir ce chapitre d’ex-prisonniers du CPRK à avoir été déclarés sérieusement malades? C’est bel et bien Eugène Diomi Ndongala, pensionnaire de la prison centrale de Makala entre avril 2013 et mars 2021. Condamné en 2014 à dix ans de détention pour viol sur mineures, il fait partie des prisonniers dits politiques qui ont été libérés par le président Félix Tshisekedi.
Durant sa détention, le leader de la Démocratie Chrétienne (DC) a été déclaré malade à plusieurs reprises. En juillet 2013, trois mois à peine après son arrestation, son avocat, Maître Sylvain Lumu avait déclaré qu’il se trouvait dans une situation qui mérite une attention particulière « parce que son état de santé est tragique » et qu’ « il éprouve des douleurs nerveuses aiguës au niveau de son bras droit et des douleurs au niveau de sa colonne vertébrale ».
En dépit de ce diagnostic précis de son avocat qui a plaidé pour « des soins appropriés dans des hôpitaux spécialisés qui ont du matériel », celui qui était considéré comme un des prisonniers politiques emblématiques du régime de Joseph Kabila a tenu bon jusqu’à sa libération conditionnelle le 21 mars 2021.
Cet ancien député national élu en 2011 mais qui a refusé de siéger dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale a depuis repris ses activités politiques même s’il a trouvé son parti fragilisé et se retrouve dans une classe politique qui a totalement changé à la faveur de l’alternance democratique de 2018.
Jean-Claude Muyambo, le détenu qui «se promène à travers toute la ville de Kinshasa »
Les mots sont de l’ancien Procureur général de la République, Flory Kabange Numbi et datent du 9 juin 2016. Ce jour là, il avait adressé une correspondance au Directeur de la prison centrale de Makala pour lui demander de retourner Jean-Claude Muyambo dans son lieu de détention.
« Il me revient que le détenu Jean-Claude Muyambo, au lieu de se retrouver sur le lit de malade à l’hôpital où il est supposé être, se promène à travers toute la ville de Kinshasa. Par conséquent, je vous enjoins, dès réception de la présente de le reprendre et de le retourner dans son lieu de détention », avait écrit Flory Kabange Numbi.
Quelques jours plus tôt, l’ancien bâtonnier du Barreau de Lubumbashi, ancien ministre et homme d’affaires, Jean-Claude Muyambo Kyassa avait été évacué dans un centre hospitalier pour des soins.
En détention depuis janvier 2015 et condamné à 26 mois de prison entre autres pour stellionat, il a été libéré en janvier 2019.
Franck Diongo et son état de santé «suffisamment alarmant»
Arrêté en décembre 2016 et reconnu coupable « d’arrestation arbitraire et de détention illégale aggravée » par les juges de la défunte Cour suprême de justice, l’ancien député national Franck Diongo est sans doute l’ex prisonnier de Makala dont les échos de la maladie ont fait le plus de bruits.
Condamné à cinq ans de servitude pénale à l’issue d’un procès auquel il s’est présenté sous perfusion, il a été tiré de force de son lit du centre hospitalier où il a été admis à la suite des coups reçus de ceux qui étaient venus l’arrêter pour être mis en prison.
Là-bas, son état de santé ne se serait jamais amélioré et était même présenté comme inquiétant. « L’état de santé de l’honorable Franck Diongo est suffisamment alarmant. Et il est regrettable de voir que jusqu’à ce jour, le gouvernement n’a pas pris des dispositions pour l’évacuer…C’est quand même un député national », avait dénoncé Me Laurent Onyemba, un de ses avocats.
Finalement, le leader du Mouvement Lumumbiste Progressiste (MLP) a quitté la prison centrale de Makala, le 16 mars 2019 à la faveur d’une grâce présidentielle. Depuis, c’est un Franck Diongo appartement en bonne santé qui a repris toutes ses activités politiques. Seule inquiétude, l’homme aurait été sérieusement affecté moralement par sa non nomination dans le gouvernement alors que selon ses proches, il aurait reçu des assurances de la « haute hiérarchie » qu’il allait être nommé dans le gouvernement Sama Lukonde.
Vital Kamerhe, le prisonnier malade le plus actif
Tout semblait être réuni pour le tuer politiquement. Mais l’ancien Président de l’Assemblée nationale et ancien Directeur de Cabinet du Chef de l’État refuse de mourir. Bien au contraire, après sa condamnation en appel en juin 2021, en 13 ans de prison, à 10 ans d’inéligibilité, à la restitution de plus de 50 millions de dollars détournés ainsi que la saisie de ses biens et fonds logés en banque, Vital Kamerhe continue à diriger son parti politique, l’Union pour la Nation Congolaise (UNC) comme si tout marchait bien pour lui.
Ces derniers mois, presque chaque cadre de sa formation politique a été promu à un poste au point que l’UNC est devenu le parti politique le plus structuré de la République Démocratique du Congo.
Pourtant, l’homme fait face à des soucis de santé qui ont contraint les autorités pénitentiaires à le transférer au Centre médical Nganda où il est pris en charge. De temps en temps, ses proches font le point sur sa santé qui, aux dernières nouvelles, ne se serait pas véritablement améliorée pour qu’il soit retourné à la prison centrale de Makala.
L’exception Eddy Kapend
Il fait partie des prisonniers les plus emblématiques de l’histoire de la prison centrale de Makala. Ancien aide camp de feu président de la République, Laurent Désiré Kabila, Eddy Kapend a bénéficié de la grâce présidentielle au terme d’une ordonnance présidentielle datée du 31 décembre 2020.
Condamné à la peine de mort en janvier 2003 par la Cour d’ordre militaire, il a passé 19 ans au CPRK. Mais à la différence des autres prisonniers VIP, il a su gérer ses soucis de santé, sans faire trop de bruits.
En vrai militaire, Eddy Kapend a visiblement fait preuve de résilience durant sa longue détention.
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