

En République démocratique du Congo, différents camps politiques affûtent leurs armes pour affronter le scrutin présidentiel direct et les législatives nationales et provinciales ainsi que d’autres scrutins prévus entre fin décembre 2023 et début 2024. Alors que l’enrôlement des électeurs débute dans quelques jours et que des potentiels candidats dévoilent progressivement leurs ambitions, des sérieuses inquiétudes planent sur la transparence de ces élections.
De la durée de trente jours prévue pour l’enrôlement de chaque aire opérationnelle au choix des agents au niveau provincial, en passant par la procédure de passation des marchés, jugée opaque, plusieurs points n’incitent pas à l’optimisme. Et, ce ne sont pas les inquiétudes exprimées par le rapporteur de la CENI, Patricia Nseya, dans une lettre adressée au président de la CENI, Denis Kadima, à travers laquelle elle rappelle que lors de trois premiers cycles électoraux, l’opération d’identification et d’enrôlement des électeurs se faisait en trois mois, soit 90 jour, et ce temps était insuffisant pour atteindre tous les électeurs, qui pourront dire le contraire.
De même, de doutes planent sur les raisons de l’augmentation du nombre de centres d’Inscription (CI) dans certaines zones, particulièrement dans l’espace Grand Kasaï et sur la capacité de la Centrale électorale à atteindre ses prévisions de 50 millions d’ enrôlés.
A ce sujet, force est de constater que dans certaines provinces, des zones peu peuplées ont, comme en 2011 et 2018, obtenu plus de CI que celles densément peuplées.
La maîtrise de ces nouveaux centres d’inscription séparés parfois de quelques mètres est également un élément à prendre en compte.
Une CENI divisée
Conscientes de cet enjeu majeur, les parties prenantes au processus électoral émettent de réserves mais toutes ou presque sont loin de boycotter les prochains scrutins.
Lire aussi Élections: Joseph Kabila et Ramazani Shadary ont donné le go à l’Athénée de la Gombe
Dans les salons politiques, on estime que si fraude il y en aura, rien ne permet de prédire au stade actuel qu’elle servirait forcément au camp présidentiel.
« Comme vous pouvez le constater, le bureau de la CENI est divisé. On a fort à parier que certains membres, opposés au dicta du président Denis Kadima, ne pourront pas cautionner toutes ses décisions, y compris celles portant sur les résultats des élections, ce qui pourra donner lieu à plusieurs résultats publiés par la même CENI», espère un cadre d’un parti de l’opposition.
Abondant dans le même sens, un cadre de l’UDPS note avec regret, que contrairement aux scrutins de 2011 et 2018 où la CENI était totalement sous contrôle du pouvoir, la CENI actuelle ne rassure pas.
« Quand le rapporteur, qui est issu du parti présidentiel UDPS, fait-il remarquer, conteste officiellement les choix du président de la CENI, on doit s’inquiéter de la suite du processus électoral ».
De candidats de taille
De l’avis d’un expert en sciences politiques, les candidatures annoncées de Matata Ponyo et de Moïse Katumbi à l’élection présidentielle devront faire réfléchir deux fois les stratèges du pouvoir.
« S’il faut revenir aux trois précédents processus électoraux, il faut remonter en 2006 pour voir un rapport de force véritablement équilibré en termes de moyens financiers et d’encrage social entre Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba. En 2023, si les candidatures de Matata et Katumbi seront validées, Tshisekedi aura des adversaires très sérieux», analyse-t-il.
Sous entendu que l’ancien premier ministre et l’ancien gouverneur de l’ex-province du Katanga sont en même de mettre la main dans la porte-monnaie pour déjouer d’éventuels plans de fraude du pouvoir.
Dans ce cas, la Cour constitutionnelle pourra être le dernier rempart. Mais là aussi, rien ne permet de prédire que les décisions de la haute cour refléteront la vérité des urnes.
Jean Perou Kabouira
