En rentrant dans l’opposition radicale, Jean-Marc Kabund avait bien conscience du danger auquel il était exposé. Il ne croyait pas bien le prophétiser en écrivant, en janvier dernier sur Twitter, lors de l’annonce de sa décision de démissionner du poste de premier Vice-président de l’assemblée nationale, qu’ « ainsi s’ouvre une nouvelle page de l’histoire, qui sera écrite avec la sueur de notre front, qui coulera chaque jour qu’on affrontera les brimades, humiliations et tortures ». Il n’est pas encore torturé physiquement mais il le sera moralement à partir de ce mardi 9 août 2022.
S’étant présenté au Parquet Général près la Cour de Cassation pour être entendu par le Procureur Général, Jean-Marc Kabund a été placé sous mandat d’arrêt provisoire. Il est poursuivi pour « injures publiques, imputations dommageables et offenses au Chef de l’État ».
Le président du parti politique Alliance pour le Changement (A.ch) a été conduit illico presto à la prison centrale de Makala.
L’ancien président ai de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) paie le prix de ses propres tenus lors du lancement de son parti, en juillet dernier. Il avait notamment qualifié Félix Tshisekedi et ses collaborateurs de « jouisseurs et incompétents», allant jusqu’à traiter le Chef de l’Etat d’être un « danger public au sommet de l’État .»
Invité à deux reprises par le bureau de l’Assemblée nationale, Jean-Marc Kabund ne s’est pas présenté. Aux dernières nouvelles, le Parquet Général près la Cour de Cassation aurait obtenu dudit bureau l’autorisation de le poursuivre.
Si cette arrestation était prévisible au regard de la gravité de ces propos, il paraît qu’elle s’inscrirait dans un schéma bien planifié par le pouvoir.
En effet, d’après une source généralement bien introduite et très bien renseignée, les stratèges du pouvoir voudraient se servir du cas Kabund lors d’un probable prochain dialogue politique pour gagner du temps au cas où la CENI n’organiserait pas les élections prévues en 2023 dans le délai.
« C’est une vielle recette qui a toujours marché en République Démocratique du Congo. A l’approche des élections, on arrête des opposants ayant pignon sur roue. Au moment opportun, on va mettre la question de leur libération sur la table et en échange, le pouvoir gagne quelques mois ou quelques années supplémentaires », explique-t-on à alternance.cd.
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A la prison de Makala, Jean-Marc Kabund rejoint un autre proche de Félix Tshisekedi, en l’occurrence l’ancien conseiller spécial en matière de sécurité du Chef de l’Etat, François Beya.
Arrêté par l’Agence Nationale des Renseignements (ANR) en février dernier et transféré à la prison centrale de Makala deux mois plus tard, «Fantômas» est poursuivi par la Haute Cour militaire pour participation à un complot en vue d’atteinte contre la personne du président de la République. Son procès avec ses co accusés avait débuté le 3 juin en chambre foraine.
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Par ailleurs, considérant le fait que certains opposants et partis politiques historiquement liés à l’UDPS réclament avec véhémence le consensus autour du processus électoral déjà en cours, on a fort à parier que le placement sous mandat d’arrêt provisoire de Jean-Marc Kabund serait un ingrédient de plus pour un dialogue politique. Wait and see.
Jean Perou Kabouira