Nous sommes en guerre et entant que général déployé sur le terrain par le commandant suprême, je ne peux pas prendre la poudre d’escampette. C’est en substance l’un des arguments de taille avancés par Christophe Lutundula Apala pour justifier sa décision de tourner le dos à Moïse Katumbi, et de rester loyal au chef de l’Etat Félix Tshisekedi.
Le vice-premier ministre, ministre des Affaires étrangères s’est expliqué longuement sur les colonnes de Jeune Afrique, sur son choix de rester dans l’Union sacrée de la Nation aux côtés du président de la République après le départ de Moïse Katumbi.
Il a d’abord pris le soin de relever que le ministère des Affaires étrangères n’est pas dans le quota de ceux qui ont été attribués au regroupement politique de l’ancien gouverneur de l’ex-province du Katanga.
« Dans notre pays comme dans d’autres, les Affaires étrangères sont un ministère régalien et relèvent du chef de l’Etat. Félix Tshisekedi m’a fait confiance et je suis dans l’obligation de lui renvoyer l’ascenseur, d’autant que je n’ai aucune raison de dire que j’ai, à un moment ou à un autre, été entravé », a-t-il déclaré.
Le chef de la diplomatie congolaise a fait remarquer que la guerre d’agression à laquelle fait face la RDC se mène sur les fronts diplomatique et militaire.
« C’est le président qui décide, a-t-il expliqué, mais sur le terrain diplomatique, c’est moi qui exécute. Ne versons pas dans la fausse modestie : nous avons enregistré des avancées significatives ces derniers temps. Faudrait-il aujourd’hui que je laisse le président seul au front? Mes compatriotes ne le comprendraient pas. Un général prend-il la poudre d’escampette quand ses soldats sont en train de se battre ? Bien que sûr que non. Donc, non seulement je reste au gouvernement, mais en plus je reste sur le front, avec Félix Tshisekedi, et ensemble nous allons nous battre et gagner les prochaines élections ».
Voici en intégralité l’entretien accordé par Christophe Lutundula Apala à JeuneAfrique.
Christophe Lutundula : « Félix Tshisekedi m’a fait confiance, je lui renvoie l’ascenseur »
Le ministre congolais des Affaires étrangères prend ses distances avec Moïse Katumbi, qui vient d’annoncer sa candidature à la prochaine élection présidentielle, et apporte son soutien au président sortant qui brigue sa propre succession.
2 janvier 2023 à 15:57
Par Stanis Bujakera Tshiamala
Mis à jour le 2 janvier 2023 à 15:57
Christophe Lutundula n’a pas cherché à entretenir le mystère. Depuis plusieurs mois déjà, il faisait peu de doute qu’en cas de rupture entre Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi, auquel il doit pourtant son entrée au gouvernement et son poste de ministre des Affaires étrangères, son choix était déjà fait. En ce début d’année, alors que trois ministres ont renoncé à leur portefeuille après que le leader d’Ensemble pour la République a annoncé sa candidature à la prochaine présidentielle, Christophe Lutundula confirme à Jeune Afrique qu’il a décidé de tourner le dos à l’ancien gouverneur du Katanga, et d’apporter son soutien au chef de l’État.
Moïse Katumbi a formellement quitté la majorité et, fin décembre, trois de ses ministres – Christian Mwando, Chérubin Okende et Véronique Kilumba – ont renoncé à leur portefeuille ministériel. Et vous, qu’allez-vous faire ?
Je reste au gouvernement aux côtés du président Félix Tshisekedi. Je l’ai dit il y a déjà plus d’un an, et les circonstances exigent que je confirme cet engagement. En outre, mon ministère n’est pas dans le “quota” de ceux qui ont été attribués à Ensemble pour la République. Dans notre pays comme dans d’autres, les Affaires étrangères sont un ministère régalien et relèvent du chef de l’État. Félix Tshisekedi m’a fait confiance et je suis dans l’obligation de lui renvoyer l’ascenseur, d’autant que je n’ai aucune raison de dire que j’ai, à un moment ou à un autre, été entravé.
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Et puis la RDC est en guerre, et cette guerre est menée sur deux fronts : diplomatique et militaire. C’est le président qui décide mais sur le terrain diplomatique, c’est moi qui exécute. Ne versons pas dans la fausse modestie : nous avons enregistré des avancées significatives ces derniers temps. Faudrait-il aujourd’hui que je laisse le président seul au front ? Mes compatriotes ne le comprendraient pas. Un général prend-il la poudre d’escampette quand ses soldats sont en train de se battre ? Bien sûr que non. Donc non seulement je reste au gouvernement, mais en plus je reste sur le front, avec Félix Tshisekedi, et ensemble nous allons nous battre et gagner les prochaines élections.
Moïse Katumbi a justifié sa décision par le fait que le pays va mal. Partagez-vous son avis ?
Il se positionne comme opposant, c’est de bonne guerre. Il serait naïf de penser qu’il va se mettre à nous envoyer des fleurs ! Mais nous avons un bilan et, le moment venu, nous en débattrons. Le président a mené de grandes actions sur le plan économique et social, ainsi qu’en matière de démocratie et d’état de droit. Nous sommes à l’aise, les Congolais savent dans quel état nous avons trouvé ce pays et quelle est la guerre que nous menons aujourd’hui.
Vous évoquez vos succès diplomatiques, mais peut-on vraiment se réjouir alors que des armées étrangères sont de nouveau présentes sur le territoire ?
De nouveau présentes ? Mais certaines d’entre elles étaient déjà là ! Le vrai problème, c’est que ceux qui ont gouverné la RDC dans le passé n’ont pas travaillé à la doter d’une armée républicaine, puissante et dissuasive. Le président Tshisekedi, lui, s’y est attelé et a lancé des réformes, mais l’héritage qui nous a été légué est tellement lourd que nul ne peut dire qu’en trois ans, nous allons parvenir à construire cette armée dont nous rêvons.
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Ceci étant dit, nous avons pour la première fois une loi de programmation militaire qui indique clairement ce que nous sommes en train de faire, et ce que nous allons faire. Le président a lui-même appelé à la mobilisation générale [début novembre, il a demandé à la jeunesse de « s’organiser en groupes de vigilance en vue de soutenir les forces armées » face au M23]. Il y a quelques jours, le ministre de la Défense [Gilbert Kabanda Kurhenga] a exposé devant la nation et les représentants du corps diplomatique la politique de défense de notre pays. Nous avançons dans la bonne direction.
Que répondez-vous à ceux qui vous reprochent de sous-traiter la sécurité de la RDC ?
Sous-traiter ? Mais ce sont nos militaires qui sont sur le terrain ! Et puis connaissez-vous un pays qui se trouve dans une situation équivalente à la nôtre, et qui n’a pas à s’adresser à la communauté internationale ? C’est bien à cela que sert l’adhésion à une communauté régionale ou à une organisation internationale, pas à se contenter de discourir sur la coopération multilatérale. Ces dispositions relatives à la paix et à la sécurité ne sont d’ailleurs pas propres à l’EAC [l’East African Community], on en retrouve à la SADC [la Communauté de développement de l’Afrique australe] par exemple, et jusqu’au niveau de l’UA qui dispose d’une force en attente.
Qu’est-ce qui plaide en faveur de Félix Tshisekedi, qui briguera un second mandat en décembre prochain ?
Nous sommes arrivés, nous avons lancé des chantiers et nous avons été interrompus par cette guerre que nous sommes en train de gagner. Laissez nous terminer ce que nous avons entrepris, ne serait-ce qu’en matière de sécurité ! Sans compter que pour la première fois depuis 25 ans, notre voix a été entendue aux Nations unies et que, sur le plan économique, nous avons lancé un grand nombre de chantiers, et même un port en eau profonde. Sans oublier la gratuité de l’enseignement primaire… Le président a le droit de briguer un second mandat puisque la Constitution l’y autorise, mais je dirais aussi qu’il en a l’obligation afin de poursuivre son travail. Reconstruire ce pays qui a été détruit par tous les régimes précédents, cela ne sera pas une affaire de deux mandats.
Moïse Katumbi n’aurait-il aucune chance de s’imposer dans les urnes ?
Nous sommes en démocratie, nous allons organiser des élections. Nous nous battrons pour que le président soit reconduit comme Moïse Katumbi se bat pour gagner. S’il devait l’emporter, démocratiquement et sportivement, nous l’accepterions. Mais laissez-moi vous dire que nous ne sommes pas là pour ne pas gagner.