Dans une correspondance datée du vendredi 15 septembre 2023, le président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, Godé Mpoyi, a demandé au gouverneur Gentiny Ngobila de révoquer endéans 72 heures, le ministre provincial des Finances et économie, la commissaire générale en charge de l’Environnement, le directeur général de la Direction générale des recettes de Kinshasa (DGRK) ainsi que le directeur général de la Direction générale de la publicité extérieure de Kinshasa (DGPEK), pour incompétence. Il a indiqué que cette décision a été prise lors de la conférence des présidents, tenue le même vendredi. Gros couac: l’Assemblée provinciale de Kinshasa étant en vacances, la conférence des présidents ne pouvait se réunir, sauf en cas d’extrême urgence.
La lettre précitée du président de l’organe délibérant de Kinshasa fait débat. Elle a suscité une vive polémique et des discussions dans les rangs des législateurs rodés dans le fonctionnement des Assemblées provinciales.
Si on soutient qu’une Assemblée provinciale peut demander à un gouverneur de révoquer certains membres de son gouvernement, la majorité défendent que cela relève de la compétence exclusive de la plénière et non de la conférence des présidents qui, du reste, ne se réunit pendant les vacances parlementaires qu’en cas d’extrême cas de force.
Ce point de vue est soutenu par le député provincial honoraire du Kwango, Romain Kasuwa, qui juge la démarche de Godé Mpoyi dangereuse.
« La conférence des présidents ne se réunit pas pendant les vacances parlementaires, sauf en cas d’extrême urgence. La conférence des présidents à laquelle siègent des membres du bureau de l’Assemblée provinciale, les présidents des commissions, le président du comité des sages, les présidents des groupes parlementaires ainsi que quelques agents administratifs, n’est qu’un organe consultatif et jamais une instance de prise de décision, pouvoir reconnu à la seule plénière»,a expliqué Romain Kasuwa.
Romain Kasuwa note avec regret qu’en décidant de la révocation de membres du gouvernement provincial et de deux mandataires, la conférence des présidents leur a privé du droit de présenter leurs moyens de défense. Ce qui n’est pas conforme à la démocratie.
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Un député provincial de Kinshasa fustige lui aussi l’attitude du président de cette chambre et l’accuse de violer délibérément le règlement intérieur de l’Assemblée provinciale de Kinshasa dans la mesure où il foule aux pieds les prescrits légaux chaque fois qu’il s’agit d’un dossier lié à l’exécutif provincial.
« Le règlement intérieur stipule que «la conférence des présidents établit le projet de calendrier de la session ordinaire sur proposition du bureau, du gouvernement provincial, des présidents des commissions ou des présidents des groupes parlementaires. Le président de l’Assemblée provinciale soumet à l’adoption de l’Assemblée plénière le projet de calendrier des travaux établi par la conférence des présidents». Puis: «le bureau de l’Assemblée provinciale peut inviter les membres du gouvernement provincial à la conférence des présidents en vue d’éclairer sa religion» Nulle part, il n'est dit que la conférence des présidents peut révoquer un membre du gouvernement provincial ou un mandataire », a démontré ce député provincial de Kinshasa.
D’ailleurs, le règlement régissant l’Assemblée provinciale de Kinshasa définit, en son article 166, les moyens d’information et de contrôle de l’Assemblée provinciale sur le gouvernement provincial, les entreprises publiques provinciales, les établissements et services publics provinciaux.
Il s’agit notamment de la question orale ou écrite avec ou sans débat non suivi de vote; de la question d’actualité; de l’interpellation; de la commission d’enquête; de l’audition par les commissions permanentes.
« C’est donc les voies permises à l’Assemblée provinciale et par lesquelles elle devrait passer pour sanctionner un membre du gouvernement provincial ou un mandataire d’un établissement provincial »,a martelé un autre député provincial de Kinshasa, qui considère que la démarche entreprise par le président de l'Assemblée provinciale contre ces membres du gouvernement provincial et mandataires publics n'a aucune chance d'aboutir.
Jean Pérou Kabouira
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