Home Société Didier Dikolo à propos du retrait des États-Unis du CDH: « En ce qui concerne la RDC, ce retrait reflète la défiance des USA vis-à-vis du régime de Kabila»

Didier Dikolo à propos du retrait des États-Unis du CDH: « En ce qui concerne la RDC, ce retrait reflète la défiance des USA vis-à-vis du régime de Kabila»

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Le coordonnateur national du mouvement citoyen « Convergences Citoyennes pour la République et la Démocratie » (CCRD), Didier Dikolo Bin Dikolo se montre dubitatif sur la tenue des élections le 23 décembre prochain. 

Il justifie ses inquiétudes quant au respect du calendrier électoral notamment par l’absence du consensus politique sur la machine à voter, l’application sélective des mesures de décrispation politique, l’incertitude sur un probable troisième mandat de Joseph Kabila ou encore l’exclusion de la diaspora au vote.

Pour lui, le retrait des États-Unis du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies (CDH) est une preuve supplémentaire de l’indignation de la communauté internationale et des USA vis-à-vis de la détérioration de la situation politique en RDC. Il a répondu à nos questions sur ce sujet et d’autres dans une interview.

Alternance.CD: Vous avez lancé il y a un peu plus d’un mois votre mouvement citoyen dénommé « Convergences Citoyennes pour la République et la Démocratie » (CCRD). Où en êtes-vous avec son implantation ?

Le lancement officiel de CCRD à Kinshasa en mai dernier a été un franc succès. L’engouement observé est révélateur du désenchantement qu’ont nos jeunes vis-à-vis de la politique et inversément proportionnel à l’importance qu’ils accordent à un cadre de référence et d’actions qui les porte, les motive et les engage ; un cadre dans lequel ils peuvent faire l’apprentissage de la responsabilité sociale, indispensable au fonctionnement de la démocratie. Nous n’en sommes pas peu fiers.

L’expérience nous a encouragé et inspiré d’autres réflexions. Nous poursuivons inlassablement la phase d’implantation du mouvement à travers le territoire national. Bientôt le mouvement sera implanté au Sankuru à Goma et dans le Lualaba. A Kinshasa, nos efforts sont actuellement orientés vers l’implantation des cellules de représentation dans les communes et les quartiers.

Quelles sont les activités que vous avez menées sur le terrain ?

Nos activités ne sortent pas du cadre des objectifs que nous nous sommes assignés. Nous menons des campagnes d’information et de sensibilisations sur nos objectifs. Les actions d’aide sociales sont également au rendez-vous.

Et à mesure que nous organisons nos activités, nous nous rendons compte qu’on peut parler politique de façon raisonnable et non polémique, qu’investir le débat public par des thématiques qui touchent à la république et à la démocratie pouvait devenir un objet de discussions citoyennes, et non seulement l’enjeu des passions antagonistes. C’est assez original.

Vous vous êtes engagé à promouvoir et à défendre les valeurs citoyennes. Cela implique que vous ne restiez pas indifférent à l’évolution de la situation socio-économique et politique de la RDC. A ce propos, quelle analyse faites-vous du processus électoral en cours, à quelques jours du début des dépôts des candidatures à la députation provinciale ?

Notre caractère social et apolitique ne nous prive pas du droit de participer à la formation de l’opinion publique et à l’animation du débat politique comme citoyen.

Pour revenir au processus électoral, des indicateurs majeurs feraient rebuter tout observateur, aussi optimiste soit-il, quant à la tenue à bonne date des élections conformément au chronogramme adopté par la CENI en novembre 2017.

Ce calendrier prévoit la convocation de l’électorat par la CENI au 23 juin 2018, soit exactement dans trois jours.

J’éprouve des sérieuses inquiétudes quant au respect de ce calendrier dans un contexte de tensions politiques caractérisé par l’absence de consensus politique minimal sur la machine à voter, l’application sélective de mesures de décrispation politique, l’incertitude sur la candidature de Joseph Kabila, la non-participation de la diaspora au scrutin, sans compter les contraintes financières évoquées par la CENI.

L’accord de la Saint-Sylvestre, source et référence provisoire de légitimité des autorités actuelles, qui était censé servir de base juridique et politique pour la période de transition devant aboutir à l’organisation des élections libres, démocratiques et transparentes auxquelles M. Kabila ne pourra plus se présenter, n’est plus d’actualité. C’est l’impasse totale.

Un mot sur le retrait des Etats-Unis du Conseil des Droits de l’Hommes des Nations Unies?

La décision de retrait des USA est objectivement liée à l’échec des tentatives de réforme du Conseil des Droits de l’Homme dans lequel siègent des bons et les mauvais élèves en matière de protection des droits de l’homme.

En ce qui concerne la RDC, ce retrait reflète la défiance des USA vis-à-vis du régime Kabila qui n’offre aucune garantie du protection des droits de l’homme et du respect du droit international humanitaire.

Mais il peut également être interprété comme un moyen de pression à la suite des sanctions prises contre Joseph Kabila et son entourage en raison des entraves au processus démocratique.

C’est une preuve supplémentaire de la désaffection et de l’indignation de la communauté internationale – les USA en tête – vis-à-vis de la détérioration de la situation politique en RDC. J’observe sur ce point une certaine constance de la position des USA à l’égard de la RDC.

Vous êtes originaire du Sankuru, une des provinces pauvres et enclavées de la RDC. Quels sont selon vous, les principaux défis de cette province ?

Le Sankuru est une province structurellement vulnérable du fait de sa situation géographique au centre du pays. Son territoire recouvre pour l’essentiel des forêts denses et la province est privée de liaisons internes aisées entre territoires, du fait de l’insuffisance et du délitement des infrastructures de communication. C’est une province enclavée.

Le chef lieu, Lusambo, est excentré et n’exerce qu’une influence relative sur le reste du territoire.

Cette réalité géographique fait apparaitre ainsi la province comme un ensemble désarticulé et manquant de cohérence.

Les principaux défis de cet ancien district transformé en province à la faveur du découpage territorial tient d’abord à sa viabilité, c’est-à-dire à sa cohérence géographique et sa capacité à produire système économique autonome susceptible de soutenir la vie d’un ensemble socio-économique et politique commun, avec représentations communes.

A cela s’ajoute les conflits communautaires régulièrement ravivés par les politiciens en quête du leadership provincial.

Plusieurs sources font état de la recrudescence de l’insécurité dans cette province, pensez-vous que ceux qui disent que l’actuel gouverneur Berthold Ulungu a échoué ont raison de le dire ?

Il n’y a pas au Sankuru une tradition de conflictualité. Les communautés de cette province, conscientes de leur destin commun, vivent en harmonie depuis de décennies.

Cette insécurité que je déplore découle, en grande partie, des tensions intercommunautaires entretenues et ravivées par les acteurs politiques qui, en l’absence d’un bilan défendable et d’un projet de société valable, opposent les communautés les unes aux autres.

Ces rivalités partisanes se soldent souvent par des conflits coutumiers sanglants au sein d’une même famille. Nous ne pouvons plus le tolérer.

Même s’il faut reconnaître la complexité des crises et les contraintes de tous ordres auxquelles se heurte le gouverneur Ulungu, son action dans la gestion et la prévention de ces conflits a été moins visible, à la limite de la partialité et du clientélisme. Les moyens mis en œuvre pour éviter la reproduction de ces conflits laissent tellement à désirer que l’on peut parier, avec une certitude quasi-mathématique, que le Sankuru vivra des jours sombres caractérisés par des tensions intercommunautaires.

Et de ce point de vue, le Gouverneur Ulungu a manqué à ses devoirs devant les faits essentiels.

Interview réalisée par R.Djanya

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