Il a traversé toutes les générations politiques de la République démocratique du Congo et était l’un des derniers pionniers de l’indépendance encore en vie. Depuis le 4 février 2023, Léon Engulu Bakokela n’est plus de ce monde. Il a rejoint ses pairs dans l’au-delà à l’âge de 88 ans.
Patriarche des Anamongo, il laisse derrière lui l’héritage d’un nationaliste et patriote irréprochable.
De Kasa-Vubu à Joseph Kabila en passant par Mobutu, il aura été très actif dans différents gouvernements et/ou parlements. Mais avec le recul, Léon Engulu a fini par croire qu’il aurait été préférable que la Belgique accorde l’indépendance au Congo après la période de trente ans proposée à l’époque, question de permettre aux élites congolaises de se préparer pour diriger le pays.
En effet, au cours d’une interview réalisée en mars 2022, qui fait office de ses dernières dernières confidences, il a regretté d’avoir opposé la population aux acteurs politiques qui étaient contre l’indépendance immédiate.
Pour lui, la détérioration du tissu économique et la gestion au rabais du pays sont les fruits du manque de préparation des élites congolaises.
Il était convaincu que ce sont les politiques qui tuent la RDC à cause de leur avidité et la prédation des richesses.
Il avait démontré que la décentralisation n’est pas adaptée à la situation de la RDC, qui devrait être centralisée.
Pas de démocratie dans un État pauvre
Léon Engulu soutenait que Mobutu était un nationaliste mais il lui en voulait d’avoir commis une grande erreur en décrétant la Zaïrianisation.
Il fustigeait également la prolifération des partis politiques.
N’ayant rien perdu de sa lucidité, ce pionnier de l’indépendance reconnaissait que la classe politique congolaise a lamentablement échoué.
« L’indépendance qu’on nous a donnée était un piège. On ne peut pas instaurer une démocratie dans un pays pauvre. Les congolais étant des pauvres, la démocratie ne marchera pas encore. Quand un pauvre devient président de la République, il va chercher à s’enrichir avec ses hommes », a-t-il confié au journaliste Patrice Booto, qui l’a interrogé en mars 2022.
Il était également pour la réduction du train de vie des institutions, en soutenant notamment l’équilibre budgétaire.
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De son point de vue, 26 ministres ayant chacun moins de dix membres du cabinet suffiraient.
En clair, Léon Engulu était contre l’improvisation dans la gestion du pays.« Le chef de l’Etat doit se réveiller et innover » a-t-il insisté.
A la suite du décès de cette icône, la Ligue nationale des Anamongo (LINA) a décrété un deuil sur route l’étendue du territoire national.
Une vie comblée
Léon Engulu a commencé sa carrière professionnelle en 1954 sous le Congo belge comme commis territorial.
Engagé dans la politique, il créé le parti Unimo en janvier 1960 avec Justin Bomboko et Eugène Ndjoku.
Il a occupé les fonctions notamment de gouverneur de la province de l’équateur, ministre national de l’Intérieur, ministre des Travaux publics, président de la province de la Cuvette-centrale, gouverneur de la province du Kivu, gouverneur du Katanga, ministre de l’Agriculture et du Développement rural, vice-président de la République chargé de l’Administration du territoire ou encore Sénateur.
Au plan politique, il est passé outre l’Unimo, au MPR, MLC de Jean-Pierre, l’Union nationale des démocrates (UNADE), le MLC de Jean-Pierre Bemba et l’UNADEC de José Endundu.
Junior Lomanga