Acteur politique et Président de l’ONG « Tshangu éveil Lamuka » qui s’occupe de l’accompagnement et de l’encadrement des jeunes via une orientation à la nouvelle citoyenneté plus responsable, plus impliquée autour d’un vrai patriotisme. Henri Mahangu Monga Makambo a une vision pour le développement de la ville de Kinshasa en général et de son district natal de la Tshangu en particulier. Depuis des années, il multiplie des contacts au pays et à l’étranger et déborde d’initiatives pour l’amélioration des conditions sociales de ses concitoyens. En réaction au point de presse du Chef de l’Etat Joseph Kabila du 26 janvier 2018, il a accordé une interview exclusive à Alternance.CD au cours de laquelle il a dénoncé entre autres, la violation à répétition des libertés de manifestations. Sans détours, il soutient que la dernière sortie médiatique du président de la République a été hasardeuse et qu’elle n’a apporté aucune réponse aux préoccupations majeures du peuple congolais. En perspective des échéances électorales fixées au 23 décembre prochain par la Commission Electorale Nationale Indépendante(CENI), il appelle les dirigeants actuels à satisfaire les attentes de la population.
Quelle est votre réaction après avoir suivi le point de presse du Président de la République ?
Du haut de ses deux mandats constitutionnels consommés, le Président Joseph KABILA ne nous a pas habitué à des « interrogations orales ». Cette conférence de presse, programmée depuis plusieurs mois-selon certains membres de la Majorité Présidentielle-était certainement un moyen alternatif pour eux de soigner l’image du Chef de l’Etat totalement ternie par les sorties des prélats : Cardinal MONSENGWO, le pasteur EKOFO, l’imam Ali MWINYI et d’autres.
Durant cette conférence de presse, à ma grande stupéfaction, le Président KABILA n’est plus dans la même sphère que les congolais. Via sa diction habituelle, lente et hésitante, le contenu de son discours a été totalement à côté des préoccupations des congolais. Le Président a creusé un fossé entre lui et le peuple du Congo, et c’est ce même peuple qui l’y poussera dedans.
Êtes-vous déçu et pourquoi ?
Cette posture de provocation du peuple, affichée sans doute volontairement n’arrange pas la situation de celui dont le départ tarde à arriver. Après ses 17 ans de règne, où nous accumulons des crises à tous les étages (politique, économique, humanitaire, sociale, sécuritaire, identitaire), cet homme – qui espérait nous voir « changé » – nous « Zaïrois » de SESE SEKO – a étonné par ses propos.
Nous vivons dans un pays où le Président de la république, cité dans la constitution comme garant de la Nation a laissé gazer les bébés d’une maternité et les fidèles des paroisses en pleine messe et a laissé tirer à balles réelles sur des manifestants équipés de bibles, chapelets, tenues à l’effigie de la vierge Sainte-Marie, des congolais chantant des cantiques religieux. Ces marches pacifiques autorisées par la constitution (articles 25/26 en régime d’information) ne pouvaient nullement être réprimées. Le Président KABILA a failli à son rôle de préserver les vies de congolais. Sa conférence de presse qualifiée d’inutile par beaucoup de congolais n’a réussi qu’une seule chose : « obtenir de congolais une fermeté et une détermination à le voir partir avant la fin de cette année ». Finalement quelle est notre identité ? Sommes-nous faits pour subir les pillages, les exactions, les crimes, la barbarie, la pauvreté causés par un homme et sa clique ? Après plus de 10 millions de morts causées par les guerres à répétition, comment sortir de ces cauchemars ?
A Kinshasa, les années 2015 à 2017 ont été celles de l’horreur d’état, des violences d’état contre les manifestants (15-21 janvier 2015), plusieurs morts, charnier de Maluku (Commune de Kinshasa) puis 19-21 sept 2016 carnage d’état à Kinshasa, plus de 100 morts.
Je ne suis pas déçu, je suis très en colère et je constate que Monsieur KABILA, avec arrogance, joue de la vie de 85 millions de congolais. Nous avons vécu 32 ans de dictature, mais jamais des prêtres ont été déshabillés pour une humiliation publique. Dans nos quartiers de Kinshasa, des scènes de guérilla urbaines ont été constatées laissant les habitants dans un état de choc.
Comment entrevoyez-vous l’avenir du Congo et de son actuel Chef de l’Etat ?
Lors de cette conférence, et à chaque sujet abordé, Monsieur KABILA a dû falsifier la réalité. Pendant que les autres pays africains sont sur la voie de développement et du changement démocratique, Monsieur KABILA a imprimé, et d’une manière définitive, ce sentiment d’un homme du passé qui n’a rien réussi et plutôt qui nous a relégué au rang des premiers pays les plus pauvres au monde.
Comment est-ce qu’on peut opposer le développement et la programmation des élections ?
En légèreté, et avec un ton accusateur, se dédouanant de ses responsabilités, Monsieur KABILA ironise, et s’est moqué du souverain primaire – en tentant de s’attribuer la « propriété » de la constitution. Cette attitude est visiblement une insulte à la République. L’avenir proche de notre pays sera sans Joseph KABILA qui espérait nous transformer en citoyens d’un autre monde. Tout de même, il se pose une question : Cet homme « avait-il » l’amour du Congo ou « lorgnait-il sur nos richesses à part de gâteau à partager avec les siens?
Êtes-vous sûr de l’organisation des élections le 23 décembre prochain?
En ce qui concerne, les élections nous l’avons dit à maintes reprises, les élections auraient dû être organisées selon les échéances citées dans l’accord de la Saint-Sylvestre soit avant la fin de l’année 2017.
L’application effective de cet accord reprend des thèmes sur la décrispation : la sortie des prisonniers politiques incarcérés, le retour des exilés au Congo et sans conditions, la fin du dédoublement de partis, la libération de l’espace politique. Toutes ces clauses n’ont pas été respectées. De surcroît l’accord n’a donc pas été respecté d’autant plus que le calendrier global publié fixe une date hors année 2017.
Nous l’avons bien compris, la programmation de ces scrutins en 2018 a été obtenue à Kinshasa suite à la visite de l’ambassadrice américaine (ONU) Nikki Haley. Au-delà de ces éléments, le Président de la CENI -Corneille NANGAA – via une démarche de non concertation- nous impose une solution technique sur fond d’une machine à voter récusée partout dans le monde. Il est bien clair que les choix de NANGAA ont été dictés par l’axe stratégique de la famille politique du chef de l’Etat qui n’arrange point le climat politique autour de ces élections. Comment organiser des élections démocratiques, transparentes et fiables avec un calendrier présentant d’office 17 contraintes, avec une machine à tricher totalement récusée par les congolais et tout cela dans un climat de répression totale de la population – avec des candidats Présidents de la république dont le séjour est judiciairement en danger au Congo ?
Indéniablement à 5 mois avant la convocation des scrutins (23 décembre 2018), et pour espérer encore sortir par la grande, Monsieur Président KABILA, dont le devoir sera rendu en retard, a l’obligation de satisfaire aux exigences des congolais, au cas contraire les mêmes congolais s’assumeront autrement pour son départ.
Interview réalisée par Patrick Lokala